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Comment l’IA peut-elle transformer la pratique en petit cabinet

ChatGPT peut causer des ennuis aux juristes. Il peut aussi être d’un véritable secours pour ceux et celles qui la manient de façon responsable.

Technology and business woman concept

Michele Allinotte était prête pour la révolution de l’IA. Elle a commencé à intégrer la technologie aux activités de son petit cabinet de juristes, Journey Law, dès sa création en 2009. Elle a mis en place un processus d’admission permettant à son éventuelle clientèle de prendre rendez-vous en ligne, mis en œuvre des outils de gestion des flux de travail, créé un système d’archivage automatisé des contacts et configuré des options de paiement en ligne par l’intermédiaire de Quickbooks.

Dès le lancement de ChatGPT l’année dernière, Me Allinotte a perçu son potentiel. L’IA générative pourrait faciliter la vie des juristes qui exercent seuls ou en petits cabinets en réduisant les tâches administratives et en rationalisant leur travail, notamment la recherche juridique. L’outil pourrait même générer le premier jet de documents de communication, tels qu’un billet de blogue. « Les petits cabinets et juristes qui pratiquent seuls consacrent plus de temps aux tâches non facturables et gagneraient à utiliser cet outil », affirme Me Allinotte.

Les débats au sujet de l’IA générative durent encore. Les instances de réglementation et les législateurs n’ont toujours pas déterminé comment gérer cette technologie émergente, laissant la responsabilité aux tribunaux.

L’utilisation abusive d’outils d’IA créatifs peut avoir des conséquences douloureuses. Steven Schwartz, juriste new-yorkais spécialisé dans les dommages corporels, l’a appris à ses dépens lorsqu’il a dû s’excuser devant un tribunal pour avoir cité six faux cas générés par ChatGPT. Il est bien connu que ChatGPT, un programme alimenté par la technologie d’IA générative d’OpenAI, a tendance à créer des hallucinations, c’est-à-dire que le système comble les lacunes dans ses connaissances en inventant des choses de toutes pièces. Me Schwartz a même demandé à ChatGPT si les cas étaient réels, ce à quoi le programme a répondu par l’affirmative. Me Schwartz fait aujourd’hui face à une sanction.

Certains tribunaux ont déjà pris des mesures pour interdire l’IA générative dans la recherche juridique. Un juge fédéral du Texas a récemment annoncé que les juristes devront signer une attestation obligatoire affirmant que leurs mémoires juridiques ne seront pas rédigés à l’aide de l’IA générative.

En raison de toutes ces incertitudes, les juristes cherchent encore à savoir comment intégrer l’IA générative à leur travail. Catherine Sanders Reach, directrice du Center for Practice Management de la North Carolina Bar Association, suit la situation de près depuis l’année dernière. « La raison pour laquelle l’IA générative a attiré l’attention de tant de personnes est qu’elle donne l’impression que l’ordinateur vous parle, explique Mme Reach. Le système n’est pas intelligent, mais il est rapide et nous dit ce que nous voulons entendre. »

Pour l’instant, aucune règle n’interdit aux juristes d’utiliser l’IA générative. Cependant, les considérations éthiques ne sont toujours pas définies, notamment en ce qui concerne son utilisation appropriée. Les informations utilisées pour former les outils d’IA constituent une préoccupation de longue date. ChatGPT ne s’appuie que sur des données recueillies jusqu’en 2021. Selon Mme Reach, qui a examiné la liste des sources de données de différents outils, le moteur de recherche Bing de Microsoft, qui utilise ChatGPT, obtient de meilleurs résultats que ses concurrents lorsqu’il s’agit de fournir des citations.

L’utilisation d’ensembles de données fermés est un moyen pour les juristes d’employer l’IA générative dans un environnement sûr. Des entreprises comme Casetext et Fastcase développent des outils qui utilisent des bases de données juridiques existantes, réduisant ainsi le nombre d’hallucinations. Mme Reach a téléversé 200 articles de blogue dans Kaya, une « IA personnelle » qui apprend en fonction des données saisies.

« Avec les outils d’IA générative, je peux interroger les données de l’organisation, explique Mme Reach. Nous avons discuté de la gestion des connaissances dans les cabinets de juristes, mais nous n’avons jamais vraiment eu les outils nécessaires pour y parvenir. Ces technologies constituent une avancée majeure. »

Pour les petits cabinets et les juristes qui exercent seuls et qui ne sont pas encore prêts à utiliser ces outils avancés, Catherine Sanders Reach suggère de tirer le meilleur parti de ce qu’ils possèdent déjà. « Choisissez n’importe quel outil qui ne vous coûtera pas les yeux de la tête et testez-le. De nombreux outils offrent d’ailleurs une version bêta gratuite, précis-t-elle. Si vous utilisez déjà des produits Microsoft, essayez Bing. L’IA est déjà intégrée à la suite Microsoft 365. Par exemple, vous pouvez utiliser la fonction “Informations sur les réunions” dans Microsoft Outlook pour voir les courriels et les documents relatifs à la réunion et obtenir des rappels sur le contenu de la réunion. Il existe tant d’outils de ce type à découvrir. »

Pour leur part, Mouna Hanna et ses collègues sont en pleine expérimentation. Me Hanna a récemment rejoint le petit bureau de Toronto de Whitelaw Twining en tant qu’associée.

Elle souligne l’importance de rechercher des types de technologies spécifiques plutôt que généraux. « Il existe différentes technologies pour le travail administratif, la recherche de documents, l’identification et la vérification de la clientèle, remarque-t-elle. Elles permettent de gagner en efficacité et de réduire les coûts. Il faut savoir tirer parti de la technologie dans notre pratique quotidienne. »

Me Hanna utilise ChatGPT pour évaluer la structure et le flux de documents juridiques. Selon elle, c’est comme avoir une deuxième paire d’yeux pour examiner un document, ce qui représente un avantage précieux pour les petits cabinets.

Elle suggère aux juristes qui exercent seuls ou en petits cabinets de tenir compte des trois « C » : coût, changement et confidentialité. Il est essentiel d’établir un budget, de former le personnel à la gestion des changements technologiques et de traiter les informations relatives à sa clientèle avec le plus grand soin lors de l’utilisation d’outils d’IA générative.

Le mentorat est également utile. Me Allinotte a aidé une des personnes sous son égide à mettre en place un processus automatisé pour gérer la prise de rendez-vous et communiquer les services disponibles à sa clientèle. Le résultat a été une réduction significative du volume d’appels téléphoniques.

« Je suis toujours très occupée, alors j’ai besoin de tirer parti de la technologie et de l’automatisation, reconnaît Me Allinotte. Je ne voudrais pas être juriste si je ne pouvais pas compter sur les technologies. »