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La violence familiale sous toutes ses formes

Comment une définition élargie au moment de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant change la donne en matière de droit du divorce.

bullying abuse harassment

La violence familiale ne se limite pas aux agressions physiques, et les juristes doivent informer les tribunaux de la situation lorsqu’il s’agit de conclure des arrangements parentaux, affirment les spécialistes.

En mars 2021, la Loi sur le divorce a été modifiée pour y intégrer, notamment, une liste de facteurs dont les tribunaux doivent tenir compte lorsqu’ils se prononcent sur l’intérêt supérieur d’un enfant. Parmi ces facteurs figurent les effets de la violence familiale.

« Autrefois, la violence familiale était réduite à la violence physique », explique Erin L. Brook, une avocate en droit de la famille établie à Nanaimo, en Colombie-Britannique. « Mais la Loi sur le divorce est beaucoup plus large et englobe des choses comme les menaces, la traque et un comportement coercitif et dominant. »

Aujourd’hui, les tribunaux doivent tenir compte des effets de la violence familiale lorsqu’ils approuvent des arrangements parentaux. Il en va de même des juristes qui représentent leurs clients dans des affaires familiales.

« Cette définition élargie a vraiment attiré l’attention sur le fait que la peur pour sa sécurité, la peur pour la sécurité des membres de sa famille […], ça a une incidence sur le rôle parental », affirme Me Brook.

Auparavant, de nombreux tribunaux considéraient la violence familiale comme non pertinente pour les arrangements parentaux, confirme Vanessa Lam, conseillère stratégique et avocate de recherche chez Lam Family Law. Ils considéraient qu’il s’agissait simplement d’un problème entre les parents qui n’avait pas d’incidence sur leur capacité à s’occuper de leurs enfants.

« Aujourd’hui, avec les modifications apportées à la Loi et la façon dont elles ont été interprétées par les tribunaux, on ne peut plus ignorer la violence familiale et dire que la violence n’a pas d’incidence sur l’enfant, qu’elle ne lui fait aucun tort », constate Me Lam.

Shelley Hounsell-Gray, c.r., avocate en droit de la famille chez Blackburn Law à Bedford, en Nouvelle-Écosse, affirme que ces modifications législatives ont changé la façon dont de nombreux juristes exercent le droit de la famille en modernisant leur compréhension de ce qu’est la violence familiale.

« Ça a entraîné un changement de paradigme dans la façon dont les juristes en droit de la famille approchent leurs clients, et nous avons davantage de discussions entre juristes du type : “Je dois vous informer que ma cliente a révélé tel type de violence.” »

Les juristes en droit de la famille doivent prendre le temps discuter de la violence familiale avec chacun de leurs clients, souligne Me Brook.

« C’est une excellente chose que la Loi définisse mieux la violence familiale, mais ça ne sert pas à grand-chose si les juristes ne savent pas comment la reconnaître, ou comment y réagir une fois qu’ils l’ont reconnue. »

Me Lam précise que les juristes doivent également tenir compte de la nature de la violence familiale subie par leurs clients.

« S’agit-il d’un incident isolé provoqué par la séparation? Ou s’agit-il d’un déséquilibre de pouvoir qui dure depuis des années et qui a une véritable incidence sur la capacité des parties à communiquer et à prendre des décisions? »

Les juristes qui représentent les auteurs de violence familiale doivent également tenir compte des actions de leurs clients, ajoute Me Lam.

« La personne qui s’est livrée à de la violence a-t-elle pris des mesures pour empêcher que cela se reproduise? Consulte-t-elle un spécialiste ou suit-elle des cours de gestion de la colère pour améliorer sa capacité à s’occuper de l’enfant? »

Me Lam rappelle notamment que les juristes ont le devoir d’informer les tribunaux des problèmes de violence familiale.

« C’est une obligation en tant que juristes en droit de la famille. Nous devons tenir compte de la violence familiale et nous devons en informer le tribunal. »

Il n’est toutefois pas facile de dépister et de gérer les formes non physiques de violence familiale, souligne Me Hounsell-Gray.

« Les clients parlent assez spontanément de violence lorsqu’il y a des accusations criminelles ou des signes physiques de violence. Ils hésitent beaucoup plus à parler d’abus sexuels, ou à faire part d’abus du genre harcèlement. »

Selon Me Hounsell-Gray, un comportement coercitif ou dominant est souvent plus difficile à définir que l’agression physique ou sexuelle.

« La coercition et la domination, ce sont des choses que nous, en droit de la famille, voyons depuis longtemps, mais nous n’avions pas de mots alors pour le dire. C’est le type de comportement insidieux où la mère n’est pas autorisée à fréquenter sa famille ou ses amies, ou le père est tenu de dépenser tout son argent pour la mère et les enfants et est accusé de tromperie s’il se garde un peu d’argent de poche. C’est ce type contrôle qui fait qu’ils n’ont aucune autonomie dans la relation. »

Les juristes en droit de la famille doivent être conscients que les comportements coercitifs et dominants ont une incidence sur les décisions des clients lors de la négociation d’un règlement, insiste Me Hounsell-Gray. « Nous devons déterminer s’ils prennent une décision parce qu’ils ont peur ou parce que c’est la décision qu’ils veulent vraiment prendre. »

Me Hounsell-Gray recommande aux juristes de s’instruire sur les comportements coercitifs et dominants afin de pouvoir les reconnaître chez leurs clients.

« Nous sommes désormais tenus de nous renseigner sur les interactions entre nos clients et leur conjoint pour déterminer s’il y a eu coercition ou domination. Nous avons beaucoup de chemin à faire, mais j’espère que plus nous en saurons sur les comportements entre conjoints et plus nous serons proactifs dans la création d’ententes parentales qui sont sûres pour les enfants. »

Me Brook dit s’attendre à ce que la définition élargie de la violence familiale continue d’entraîner des changements dans la façon dont les tribunaux traitent les affaires familiales.

« Je pense que nous verrons une prise de conscience accrue de la diversité de la violence familiale et que certains de ces aspects plus nuancés de la violence familiale désormais codifiés seront plus facilement reconnus et pris en compte dans les décisions des juges, des arbitres et des avocats. Il est beaucoup plus facile pour les juges qui entendent des témoignages de comportement coercitif et dominant d’en tenir compte dans leur décision lorsque ce type de comportement est codifié. »

 

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