Prêts pour votre gros plan sur Zoom?
Dans le monde virtuel comme dans le monde réel, la réussite passe par une bonne préparation.
Comment les juristes s’adaptent-ils à l’univers virtuel, et quel est le secret d’une comparution vidéo réussie? La réponse réside dans le bon vieux travail de préparation.
« Je suis assez impressionné par les comparutions Zoom, confie Gary Gottlieb, de Gottlieb Law Firm, un cabinet torontois spécialisé dans les questions de droit de la famille, de divorce et de protection de l’enfance. Je donnerais B + aux audiences Zoom. Ce qui est formidable, c’est qu’on voit tout le monde en gros plan : ils sont juste en face de vous, alors que dans une salle d’audience, tout le monde est dans votre vision périphérique, et les juges sont généralement assez loin. »
On ne peut cependant pas lire le langage corporel. Les avocats plaidants perdent ainsi la capacité de détecter les subtils indices non verbaux des juges et de la partie adverse. « Ce type d’information nous est utile pour ajuster notre argumentation », fait valoir Me Gottlieb.
Les clients peuvent être intimidés par les comparutions Zoom, surtout s’ils ne sont pas physiquement dans la même salle que leur avocat ou leur avocate.
Jim Wu, avocat plaidant en droit du travail chez Forte Law à Surrey, en Colombie-Britannique, voit des avantages dans les comparutions Zoom, mais aussi des défis à surmonter. « Dans une médiation, le partage d’écran est très utile pour transmettre l’information en temps réel. Cette fonctionnalité facilite grandement le processus, soutient-il. Pour ce qui est de l’enquête préalable, les parties ont tout intérêt à adopter une approche hybride – il ne faut pas se concentrer exclusivement sur Zoom. »
Selon Me Wu, il est préférable que les clients soient dans la même salle, afin de pouvoir diriger leur attention sur les bons documents. « C’est plus efficace. Quand les juristes et leurs clients sont dans des lieux différents, les clients ne savent pas toujours quel document regarder, dit-il. Un incident s’est produit alors que je procédais à un interrogatoire préalable sur Zoom. La personne qui faisait la déposition ne cessait de jeter des coups d’œil à une autre personne, tellement que j’ai dû la rappeler à l’ordre. Si elle avait été dans la même pièce que son avocat, cette situation délicate aurait pu être évitée. »
La préparation est cruciale
« Je dis à mes clients qu’ils doivent regarder directement la caméra et parler fort, explique Jim Wu. Des interprètes participent parfois aux interrogatoires préalables, et je rappelle à mes clients de s’assurer qu’ils s’adressent à la caméra lorsqu’ils répondent aux questions, et non pas à l’interprète, puisque ce n’est pas l’interprète qui pose la question. Ils doivent répondre d’une manière qui témoigne du respect à la personne qui pose la question, en dirigeant leur regard vers elle. »
Comme les interrogatoires préalables sont transcrits, il est important de toujours décrire les documents qu’on présente à l’écran, parce que, au bout du compte, c’est ce qui sera consigné. Me Wu recommande d’avoir à portée de main une copie papier des documents auxquels on pourrait devoir faire référence. Il recommande aussi d’avoir des contacts réguliers et d’entretenir le dialogue avec l’avocate ou l’avocat qui représente la partie adverse lors d’un interrogatoire préalable.
Faites un essai
Avant toute comparution, assurez-vous d’avoir l’équipement et un éclairage appropriés.
« Il vous faut une bonne caméra, afin que l’image soit nette et que les gens puissent voir vos lèvres bouger. C’est une question de présentation », explique Me Gottlieb, qui note que la plupart des avocates et des avocats portent un complet, étant donné qu’ils ne sont pas tenus de porter la toge sur Zoom.
Lors de ses essais avec les clients, Nainesh Kotak, du cabinet Kotak Personal Injury Law à Toronto, leur explique ce qu’ils verront à l’écran et leur rappelle que tout le monde pourra voir leurs réactions.
« L’objectif est de les mettre à l’aise avec le processus virtuel. Je conseille de s’y prendre bien à l’avance. Il faut guider ses clients pas à pas à travers tout le processus, afin qu’ils sachent à quoi s’attendre et ne pas avoir de surprise, recommande-t-il. Je donne mon numéro de cellulaire aux clients, au cas où ils auraient des problèmes de connexion Internet ou seraient éjectés de la réunion. Ainsi, nous pourrons quand même nous parler. »
Me Kotak, qui est également vice-président de la section du droit de l’invalidité de longue durée au sein de l’Ontario Trial Lawyers Association, craignait au départ ne pas pouvoir établir une assez bonne connexion à distance avec ses clients pour obtenir les instructions nécessaires.
« Je me suis rendu compte que les choses allaient aussi bien qu’en personne. Il faut simplement s’y prendre d’avance et consacrer le temps nécessaire pour bien se préparer avec les clients », confie-t-il. Cela demande plus de travail qu’à l’habitude, parce qu’il est plus difficile de prendre des décisions sur-le-champ dans une vidéoconférence et qu’on ne peut pas prendre les clients à part pour un rapide tête-à-tête. « Si on prend le temps nécessaire pour mettre les clients à l’aise, les choses se déroulent très bien. »
Organisez une séance de pratique sur Zoom plusieurs semaines avant la médiation, suggère Nainesh Kotak, et tenez une autre séance le jour de la médiation pour vérifier que la technologie du client fonctionne bien. Et rappelez-leur de se connecter dix minutes avant l’appel.
La plupart des clients de Me Kotak, spécialisé dans les questions d’invalidité de longue durée, sont atteints d’une forme d’incapacité et angoissent à l’idée même de quitter la maison. « Ils étaient anxieux de se présenter au tribunal et faisaient de l’insomnie la veille. Maintenant, ils prennent des décisions importantes dans le confort de leur foyer et sont beaucoup plus à l’aise avec le processus et les décisions qu’ils prennent », explique-t-il.
Le virtuel : pour de bon?
« Les juges et les avocats veulent tous revenir au tribunal. J’ai entendu des juges dire qu’ils regrettaient de ne pas pouvoir revenir, dit Gary Gottlieb. L’avis des juges de la Cour supérieure, à la dernière présentation à laquelle ils ont participé, était qu’en droit de la famille, les conférences de règlement, et les conférences en général, fonctionnent mieux lorsque les parties sont présentes en personne. Je pense que cela témoigne de la capacité à négocier en temps réel. »
Me Kotak affirme qu’il aimerait poursuivre la médiation à distance une fois passée la pandémie, bien qu’il préférerait faire les interrogatoires préalables en personne. « Je pense que c’est la voie de l’avenir, parce que c’est une économie pour tout le monde, en particulier en médiation. »