L’obligation de consultation en question
Des nouvelles de partout au pays à la toute première conférence organisée conjointement par la Section du droit des autochtones de l’ABC et la Section du droit de l’environnement, de l’énergie et des ressources.
La collaboration entre la section du droit des autochtones et celle du droit de l’environnement, de l’énergie et des ressources à Montréal a donné lieu à une union opportune lors de la conférence annuelle de l’ABC. Dans un message vidéo préenregistré, le président de l’ABC, John Stefaniuk, a souligné auprès des participants et participantes que le chevauchement de ces domaines de droit est « plus pertinent que jamais ».
Me Stefaniuk a fait référence à la reconnaissance des droits fondés sur l’article 35 de la Constitution et le travail qui a été fait en matière de règlement des ententes sur les revendications territoriales et l’autonomie gouvernementale. « Le vieux proverbe puissiez-vous vivre des temps intéressants), traduit du chinois, s’applique certainement à ceux et celles d’entre nous qui conseillent des clients travaillant dans des domaines de responsabilité partagée entre les ordres de gouvernement », a-t-il dit.
Il a mentionné des cas récents, notamment le renvoi relatif à la Loi sur l’évaluation d’impact, qui testent les limites de ce que les différents ordres du gouvernement peuvent ou ne peuvent pas faire en matière de droit de l’environnement.
Dans sa plénière d’ouverture, Terri-Lynn Williams-Davidson, c.r., de White Raven Law Corporation à Surrey, en Colombie-Britannique, a discuté de l’interdépendance du droit des autochtones et du droit de l’environnement. Me Williams-Davidson, citoyenne et avocate-conseil de la Nation haïda, pratique le droit autochtone-environnemental depuis 1995. Elle a expliqué comment chaque élément de l’écosystème dépend de tous les autres.
Un exemple de l’application de ce principe est dans la cogestion de la région de Gwaii Haanas par la Nation haïda et par Parcs Canada. La région couvre environ 15 % des îles de la Reine-Charlotte au large de la côte de la Colombie-Britannique et comprend le site du patrimoine mondial de l’UNESCO de SG̱ang Gwaay Llnagaay (« Nan Sdins »).
Parcs Canada décrit le Plan directeur de Gwaii Haanas Gina 'Waadluxan KilGuhlGa, terre, mer et gens comme le premier en son genre au Canada, voire dans le monde. Me Williams-Davidson a dit que les négociations ayant mené à ce plan étaient difficiles, mais « nous avons vraiment ressenti l’importance d’incarner les principes d’interconnexion. »
L’obligation de consulte
Nigel Baker-Grenier, également de White Raven Law, a lancé la séance conjointe sur les évolutions en matière de consultation à travers le pays. Il a expliqué que l’obligation de consultation et d’accommodation découle du concept juridique de « l’honneur de la Couronne » et est engagée lorsque les projets proposés ont le potentiel de porter atteinte aux droits autochtones revendiqués qui n’ont pas encore été établis par un tribunal ou une entente formelle.
Me Baker-Grenier, qui est membre du clan Gisgahaast de la Nation gitksan ainsi qu’au peuple Swampy Cree de Churchill, au Manitoba, a souligné que l’obligation de consultation existe sur un spectre, allant d’un extrême à l’autre. En d’autres termes, cette obligation peut nécessiter simplement un avis ou la divulgation d’informations en ce qui concerne les projets où l’impact est minime ou où la revendication d’un droit est faible, alors qu’à l’autre extrémité du spectre, elle « exige une consultation approfondie incluant la participation au processus décisionnel afin de réduire l’impact du projet sur les droits autochtones ».
Me Baker-Grenier a passé en revue des cas récents décidés en Colombie-Britannique pour illustrer les limites de l’obligation de consultation, notamment le fait qu’elle ne reconnaît pas les nations autochtones comme des gouvernements dotés de pouvoirs décisionnels. Pourtant, il a insisté sur l’importance de cette obligation étant donné la rareté relative des traités historiques dans la province. Souvent, l’obligation de consultation est le seul outil à la disposition des nations autochtones. Cependant, avec l’annonce récente de l’accord « Rising Tide » sur les droits de la Nation sur le territoire de Haida Gwaii, il y a de l’espoir que le paysage juridique en Colombie-Britannique évoluera de la consultation au consentement.
L’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) au niveau fédéral et de la Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act [la Loi sur la déclaration des droits des peuples autochtones (la loi)] en Colombie-Britannique, reconnaissent une obligation pour les gouvernements de consulter et de coopérer de bonne foi avec les peuples autochtones afin d’obtenir leur consentement libre et éclairé pour les projets affectant leurs terres.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2019, Gitxaala v. BC (Chief Gold Commissioner) a été la seule affaire à interpréter la loi. Il a été évoqué que cette loi n’applique pas la DNUDPA dans les lois internes de la Colombie-Britannique et qu’elle ne nécessite pas que les tribunaux déterminent si ces lois sont conformes à cette déclaration. Cette affaire est en cours d’appel.
Bruce McIvor de First Peoples Law à Vancouver a plaisanté en disant que sa présentation devrait s’intituler « Les dents qu’a Bruce contre la consultation », étant donné que l’obligation de consultation est « basée sur le déni » — le déni aux nations autochtones de prendre des décisions concernant leurs territoires — puisque tant de pouvoir repose sur l’État.
Me Mclvor, membre de la Fédération Métisse du Manitoba (FMM), a fait un plaidoyer passionné en faveur de « passer outre la consultation ». Son principal souci concernant l’obligation de consultation est qu’elle ne mène pas à des solutions concrètes. Il s’inquiète du fait que les tribunaux se contentent de faire des jugements déclaratoires, comme l’a fait la Cour suprême du Canada dans sa décision du 12 avril dans l’affaire Shot Both Sides c. Canada.
« La Cour s’est montrée très enthousiaste quant à l’effet important des jugements déclaratoires, observe Me McIvor. En tant que juriste, je ne vois pas le monde à travers ces lunettes roses. »
Selon lui, la clé est de se rappeler les directives de la Cour suprême selon lesquelles lorsque l’obligation de consultation est déclenchée par un nouvel impact potentiel, les effets cumulatifs font partie de la consultation, pas seulement les effets immédiats du nouvel impact potentiel.
Pour terminer sur une note positive concernant l’obligation de consultation, Me McIvor a conclu en notant que « c’est dans les effets cumulatifs que se trouve l’essentiel ».