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Entrevue avec Kody Blois

Le nouveau député de Kings-Hants entre au Parlement avec ses racines ancrées dans la classe ouvrière et sa perspective de juriste en début de carrière.

Kody Blois

À 28 ans, Kody Blois est l’un des plus jeunes députés de la 43e législature. Avant son élection en octobre en tant que Libéral représentant la circonscription dans laquelle il a grandi, il a été stagiaire d’été, stagiaire en droit, puis avocat dans le cabinet McInnes Cooper à Halifax. Ancien gardien de but de hockey junior puis universitaire, il a obtenu son baccalauréat en droit (J.D.) à la Faculté de droit Schulich de l’Université Dalhousie en 2018. 

 ABC National : Parlez-nous un peu de vos antécédents?

J’ai grandi à Belnan, une petite communauté rurale du comté de Hants. Mon père était chauffeur de camion. Ma mère était adjointe administrative. Je suis le premier membre de ma famille à avoir poursuivi des études universitaires, sans parler de la faculté de droit ou de mon entrée dans la profession juridique. Pour mon père, l’éducation était très importante. Il voulait que je poursuive la mienne et que je travaille d’arrache-pied. C’est le contexte familial dans lequel j’ai grandi. Une famille ouvrière.

Ma mère continue son métier d’adjointe administrative à l’école élémentaire locale. Pendant ma campagne, j’ai dit avec humour qu’elle avait peut-être été mon meilleur atout politique, car tout le monde la connaît puisque leurs enfants passent tous par cette école.

J’ai eu le grand privilège que mes deux parents travaillent fort pour me permettre de participer à des sports structurés. J’ai été un joueur de hockey compétitif et un choix de repêchage de l’équipe Halifax Mooseheads (de la Ligue de hockey junior majeure du Québec) en 2008. J’ai aussi joué au softball compétitif et cela définissait tous mes horizons. 

J’ai perdu mon père alors que j’étais encore très jeune. J’avais 14 ans. Ce genre de chose vous rappelle la force de la famille et le pouvoir de soutien des gens autour de vous. Nous avions la grande chance dans la région d’East Hants de vivre entourés de gens qui prenaient soin les uns des autres.

ABC National : Pourquoi avoir choisi le droit?

J’ai fait un premier cycle universitaire en commerce à l’Université St Mary's à Halifax et j’ai beaucoup aimé ce programme. J’ai pris une option mineure en sciences politiques à St Mary's et je me suis vraiment intéressé aux affaires publiques et à la façon dont le monde fonctionne. J’ai considéré le droit comme un moyen de mieux comprendre et apprécier les décisions prises dans la société. Je me suis dit : « C’est un diplôme parfait pour me donner une formation de base qui me sera utile dans un grand nombre de fonctions très différentes ». 

ABC National : Vous intéressiez-vous à la politique étant jeune? 

Tout comme ma famille n’avait pas de connaissance juridique, elle était dénuée d’antécédents politiques. Nous ne parlions pas politique à table. Mon cheminement vers la politique a largement été pavé par ma formation et mes études juridiques, car elles suscitent tout naturellement un intérêt à l’égard des activités législatives et du Parlement. Il a aussi été éclairé par mes travaux dans la communauté. Une fois mes activités liées au hockey compétitif terminées, j’ai réalisé ce que les gens avaient fait pour que je parvienne où j’en suis. Un certain nombre de personnes dans ma communauté avaient donné leur temps pour aider dans le cadre du hockey ou pour s’impliquer dans d’autres activités. Je me suis dit que je me devais de les émuler. J’ai lancé plusieurs organisations sans but lucratif dans ma propre communauté. Je dirais que mon intérêt à l’égard de la politique est enraciné dans mon intérêt dans la communauté, soutenu par mon intérêt à l’égard du droit.

ABC National : Pourquoi le parti libéral en particulier?

Je pense que si vous regardez le monde contemporain, l’inégalité des revenus est un enjeu tout aussi important que les changements climatiques. Lorsque Justin Trudeau a commencé à parler de l’importance de l’apport d’un soutien aux familles de la classe moyenne en 2015, cela m’a interpellé. Il a aussi inauguré un nouveau style de politique en 2015. Je me considère comme un centriste et certaines des initiatives dont le gouvernement parlait correspondaient tout à fait à mes valeurs.

Je m’en voudrais de ne pas dire que j’ai grandi dans l’ombre de Scott Brison, notre député pendant 22 ans. Il était extraordinaire et continue de l’être dans les limites de ce que je savais de la politique et de la démocratie. Scott Brison était mon député. Mes activités au sein de la communauté m’ont permis de tisser des liens avec lui. Je l’admire depuis toujours.

ABC National : Pourquoi vous présenter aux élections à ce moment précis?

Je dirais tout simplement que l’occasion s’est présentée. Mon père est décédé soudainement à 44 ans et c’est un rappel constant que l’on ne sait jamais combien de temps il nous reste à vivre sur cette terre. Si vous pensez que vous avez quelque chose à offrir, alors, il faut foncer sans attendre. 

Je n’ai pas la naïveté de suggérer que je détiens la science infuse. Cependant, je suis convaincu que je peux faire des apports bénéfiques grâce à mon vécu, à mes activités professionnelles et à ma participation au sein de la communauté. 

Suite à la décision de Scott Brison (de prendre sa retraite en 2019), j’ai réfléchi pendant quelques semaines, me demandant si j’allais un jour regretter de ne pas m’être présenté et j’ai conclu que oui, je le regretterais. Alors j’ai foncé sans un regard en arrière.

ABC National : Quels sont les enjeux qui importent le plus à vos yeux?

Parce que j’ai grandi dans une communauté rurale, je veux vraiment promouvoir les communautés viables et les régions rurales. En Nouvelle-Écosse, et dans le reste du pays d’ailleurs, nous devons relever des défis pour éviter que les jeunes partent et pour veiller à ce que les communautés rurales demeurent pertinentes. L’agriculture est fondamentale. C’est la raison pour laquelle je veux être l’un de ses porte-parole. Nous devons poursuivre nos efforts pour nous adapter aux changements climatiques. Nous devons avoir un plan économique et environnemental. Ces deux éléments doivent être considérés comme indissociables. Je pense que notre génération fait de gros efforts en ce sens et en ma qualité de député de 28 ans, je me dois de les appuyer. 

ABC National : Constatez-vous les changements climatiques dans votre circonscription? 

C’est dans la circonscription de Kings-Hants qu’on trouve le plus grand marnage au monde. S’y trouvent donc des communautés menacées par la montée du niveau de la mer, et c’est chez nous, en Nouvelle-Écosse. Nous avons des agriculteurs qui n’avaient jamais assuré leurs récoltes en 40 ans. C’était tout bonnement inutile. Cela fait maintenant trois ans de suite qu’ils les assurent en raison des gelées qui surviennent en juillet. Les conditions météorologiques en pleine évolution ravagent nos producteurs agricoles, qui sont les piliers de notre économie. 

ABC National : Qu’avez-vous appris au sein du cabinet McInnes Cooper et quels sont les enseignements que vous avez tirés du temps que vous y avez passé?

J’ai exercé pendant trois ans au sein du cabinet McInnes Cooper, depuis mon entrée à l’Université Dalhousie à mon admission au Barreau qui m’a permis d’y devenir avocat. Ce que j’en ai retiré de positif, c’est la capacité à prendre une grande quantité de renseignements et d’en tirer un concept éclairé ou la théorie de l’affaire ou encore son pivot. Sans parler de la gestion du temps. L’exercice du droit est une profession trépidante, tout comme le travail d’un représentant élu. Je pense que ces deux mondes m’ont enseigné cette capacité.

Je n’ai que du bien à dire de mon passage dans le cabinet McInnes Cooper. J’ai appris à traiter avec les clients, à traiter avec les particuliers au téléphone, à gérer les attentes. Tout ceci peut être intégralement transféré au travail que je fais en ce moment.

ABC National : Que vous a apporté votre participation aux activités de l’Association du Barreau canadien en Nouvelle-Écosse?

Je loue les travaux réalisés par l’ABC en Nouvelle-Écosse en ce qu’ils touchent aux possibilités de participation et d’apprentissage. Le Barreau de la Nouvelle-Écosse est relativement restreint, ces travaux ont ouvert les possibilités de mentorat et d’apprentissage auprès d’autres praticiens. Naturellement, il y avait la formation continue. Tout cela m’a été très bénéfique. Il importe vraiment que l’adhésion à l’ABC ait été ouverte aux personnes qui étudient le droit pour veiller à ce qu’elles y aient leur place et qu’elles entretiennent un lien avec l’Association. 

ABC National : Quelle est la chose la plus étonnante que vous avez apprise depuis le peu de temps que vous êtes député?

La chose la plus surprenante est la vitesse à laquelle le temps passe. Les rouages du gouvernement tournent à une vitesse différente de ceux des entreprises commerciales, pour des raisons tout à fait légitimes à cause de la responsabilisation et de la démocratie. Dans le monde des activités sans but lucratif, et même dans le secteur commercial, les rouages peuvent tourner un peu plus vite. Parfois, vous ne pensez plus en mois, mais plutôt en années en vous disant : « Je voudrais que ce projet législatif aboutisse au courant de l’année prochaine ». Je pense que c’est tout simplement l’adaptation à cette réalité.