Budget de 2024 : qu’y a-t-il pour le système juridique?
Le budget fédéral de 2024 comporte des mesures qui visent le système juridique, dont la plupart concernent de nouveaux fonds pour l’aide juridique.
Le budget fédéral de 2024 comporte des mesures qui visent le système juridique, dont la plupart concernent de nouveaux fonds pour l’aide juridique. Il comprend également la réallocation de fonds provenant de postes de juges vacants ainsi que l’aide juridique promise aux locataires. On y prévoit enfin des mesures dans le domaine criminel, visant le vol de voitures et les crimes financiers, ainsi que des fonds supplémentaires pour la Stratégie en matière de justice autochtone du gouvernement.
« [L]’Alberta s’est vu attribuer des postes judiciaires qu’elle a choisi de ne pas créer, ce qui a laissé 17 postes judiciaires vacants destinés à des tribunaux unifiés de la famille. Cela ralentit l’accès de la population canadienne à la justice », peut-on lire dans le document.
« Afin de permettre aux gens d’accéder plus rapidement à la justice, le gouvernement fédéral nomme plus de juges là où ils sont le plus nécessaires et où ils seront utilisés. »
À cette fin, on réaffecte 50,2 millions de dollars sur cinq ans, dont 10,9 millions en continu pour la redistribution, par le Commissariat à la magistrature fédérale Canada, de ces 17 postes aux provinces qui en ont besoin. Cela impliquera aussi la modification de la Loi sur les juges pour faire passer ces postes des tribunaux unifiés de la famille aux cours supérieures provinciales.
Cette décision vient à un moment où on a déjà amplement discuté de ces postes vacants au Canada.
En février, la Cour fédérale a affirmé, dans une décision, que le gouvernement avait failli à sa tâche de bien servir la population en laissant le nombre de postes vacants devenir « inacceptablement élevé », et lui a ordonné de nommer des juges dans un « délai raisonnable ».
« Soit dit très respectueusement, la Cour estime que le premier ministre et le ministre de la Justice font du surplace », écrit le juge de la Cour fédérale Henry Brown.
« N’en déplaise aux intéressés, la Cour est également d’avis qu’ils ont manqué à leur devoir envers tous ceux qui comptent sur eux pour exercer en temps voulu leurs pouvoirs afin de pourvoir ces postes vacants, de même qu’à tous ceux qui ont cherché en vain à obtenir justice dans les meilleurs délais auprès des cours supérieures et des Cours fédérales du Canada. »
L’année dernière, le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner, a aussi exprimé des réserves concernant la situation des tribunaux canadiens dans une lettre au premier ministre Justin Trudeau.
« La situation actuelle est intenable et je crains qu’elle ne résulte en une crise pour notre système de justice, qui fait déjà face à de multiples défis. L’accès à la justice et la santé de nos institutions démocratiques sont en péril », écrivait-il.
« [I]l est impératif que le Cabinet du Premier ministre accorde à cette question l’importance qu’elle mérite et que les nominations soient faites en temps opportun. […] l’inertie du gouvernement quant aux postes vacants et l’absence d’explications satisfaisantes pour ces retards sont déconcertantes. »
Fait intéressant, le budget annonce aussi le lancement de consultations sur l’abrogation des exigences relatives à la résidence des juges de la Cour fédérale et de la Cour canadienne de l’impôt, afin d’agrandir et de diversifier le bassin de candidats et de candidates.
Pour ce qui est de l’aide juridique, la majeure partie des fonds, 440 millions de dollars, ira à l’aide juridique en matière criminelle, soit une première allocation de 80 millions en 2025 suivie de 90 millions pour chacune des quatre années suivantes. De plus, un nouveau financement est prévu pour l’aide juridique aux immigrants et aux réfugiés, soit 273,7 millions de dollars sur cinq ans (72 millions en 2025-2026, 44 millions les trois années suivantes, puis 43,5 millions en continu).
En ce qui concerne la loi sur les préjudices en ligne que le Parlement n’a pas encore adoptée, le budget prévoit une allocation de 52 millions de dollars sur cinq ans, à partir de cette année, pour protéger les enfants et établir une commission à la sécurité numérique.
Le gouvernement a aussi annoncé la création d’un fonds de protection des locataires, qui fournira 15 millions de dollars sur cinq ans pour financer les organismes offrant des services juridiques et d’information aux locataires, ainsi qu’aux organismes de défense des droits des locataires afin de mieux faire connaître ces droits.
On prévoit par ailleurs des mesures visant à freiner le vol de voitures au Canada, un fléau croissant qui atteint une ampleur record, que le Bureau d’assurance du Canada qualifie de crise.
Le budget envisage des modifications du Code criminel établissant de nouvelles infractions liées au recours à la violence ou aux liens avec la criminalité organisée dans le contexte du vol de voitures.
Il est également prévu d’apporter des modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, au Code criminel, à la Loi de l’impôt sur le revenu et à la Loi sur la taxe d’accise, ayant toutes pour but d’intensifier la lutte contre les crimes financiers, et dont certaines confèrent de nouveaux pouvoirs au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Les nouvelles dispositions du Code criminel permettront aux tribunaux de rendre une ordonnance de communication répétitive afin d’obtenir régulièrement des renseignements et précis sur les activités d’un compte ou de plusieurs comptes liés à une personne d’intérêt dans le cadre d’une enquête criminelle. En outre, elles permettraient aux enquêteurs de l’ARC de demander des mandats généraux auprès des tribunaux, ce qui moderniserait et simplifierait leurs processus d’enquête.
« Pour faire avancer la réconciliation, il faut des services de justice communautaires dirigés par des Autochtones et adaptés à leur culture, et des politiques élaborées en fonction des expériences vécues par les Premières Nations, les Inuits et les Métis », peut-on lire dans le budget.
Des fonds sont également prévus pour achever la Stratégie en matière de justice autochtone, de concert avec des partenaires autochtones, les provinces et les territoires, dans le cadre de l’engagement du gouvernement à respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Cela représente 87 millions de dollars sur cinq ans, puis 11,3 millions de dollars par année ensuite. Cette mesure comprend le financement du Programme de justice autochtone et du Programme d’assistance parajudiciaire aux Autochtones, soit 5,5 millions sur trois ans, pour poursuivre le travail de revitalisation des lois et systèmes juridiques autochtones, et 25,1 millions sur trois ans pour poursuivre le renforcement des capacités et la mobilisation dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre initiale de la Stratégie.
En tout, les mesures prévues au budget nécessiteront 62 changements législatifs. Cela comprend les modifications de la Loi sur l’évaluation d’impact déjà promises – qui rendront la législation conforme à la décision de référence de la Cour suprême –, l’élargissement des groupes désignés en vertu de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, l’établissement d’un droit à la déconnexion dans le Code canadien du travail, et la modification de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés pour simplifier la réception, le traitement et l’évaluation des demandes d’asile.