Qui peut exercer le droit de l’immigration?
Une proposition de résolution exhorte le gouvernement fédéral à mieux faire pour protéger le public face aux consultants en immigration.
Pour s’y retrouver dans un régime d’immigration complexe, les nouveaux arrivants au Canada doivent pouvoir se fier à des conseils de haute qualité prodigués par des personnes instruites, formées et chevronnées dans ce domaine. Les gouvernements se posent tous la même question : Quelle est la norme à respecter pour conseiller les étrangers qui souhaitent prendre un nouveau départ au Canada?
Au cours des 20 dernières années, les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont autorisé les consultantes et consultants à assumer un rôle plus important pour guider les immigrants dans les dédales du système. Les résultats laissent à désirer : deux vaines tentatives d’établissement d’un organe d’autoréglementation pour les consultants en immigration, puis une troisième tentative pour les réglementer.
En février, la Section du droit de l’immigration de l’ABC va proposer une résolution lors de l’AGA de 2020.
« Le fait d’autoriser les consultantes et consultants en immigration à exercer le droit dans ce domaine a nui aux personnes qui cherchent à immigrer au Canada ainsi qu’à l’intégrité du régime d’immigration de ce pays », selon Barbara J. Caruso et Ravi Jain, qui ont respectivement proposé et appuyé la résolution. Me Jain préside actuellement la Section du droit de l’immigration de l’ABC, tandis que Me Caruso en est la présidente sortante.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) autorise les consultants agréés à exercer le droit en l’absence de tout juriste. M. Jain et Mme Caruso soutiennent que les consultants n’ont pas les qualifications juridiques officielles requises pour représenter des personnes, dont bon nombre ont un statut précaire en matière d’immigration, dans le complexe domaine du droit de l’immigration.
La résolution proposée exhorte le gouvernement fédéral à modifier la LIPR et la Loi sur la citoyenneté afin de définir l’exercice du droit de l’immigration. Des changements s’imposent en outre pour prévoir que seuls les membres d’un barreau et les notaires au Québec soient autorisés à exercer le droit de l’immigration. Qui plus est, les consultants et consultantes en immigration ne devraient travailler sur des questions juridiques que sous la supervision de juristes.
En dernier lieu, la résolution prône l’abrogation de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté, promulguée par le gouvernement fédéral en 2019. Cette loi établit un nouveau régime d’autoréglementation pour régir les consultants et consultantes en immigration et en citoyenneté qui sont définis comme quiconque représente ou conseille des personnes relativement à une instance ou à une demande prévue par la Loi sur la citoyenneté, ou une déclaration d’intérêt, une instance ou une demande prévue par la LIPR.
La question est loin d’être nouvelle : une résolution adoptée par l’ABC en 1996 exhortait le gouvernement du moment à modifier la Loi sur l’immigration afin de définir l’exercice du droit de l’immigration et d’autoriser les seuls membres d’un barreau provincial ou territorial à l’exercer.
En fin de compte, en 2003, le gouvernement fédéral a établi la première organisation vouée à la réglementation de la profession, la Société canadienne de consultants en immigration, avant de créer, en 2011, le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada. Ultérieurement, un article issu d’une enquête journalistique (en anglais seulement) au sujet des activités de consultants en immigration et d’agents recruteurs sans scrupules ainsi qu'un rapport publié en 2017 par le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes ont dressé une longue liste de problèmes, dont les suivants :
- protections inadéquates, y compris le fait que les consultants et consultantes font des promesses trompeuses à leurs clients, auxquels ils facturent des frais exorbitants,
- supervision insuffisante de la part de l’organe de réglementation,
- accès à la justice insuffisant pour les personnes qui cherchent à immigrer,
- existence de « consultants fantômes », soit des représentants qui conseillent des clients sans leur donner ni leur nom, ni quelque moyen de les identifier.
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