De la passion à la pratique
Lauréate, Afifa Hashimi s’estime privilégiée d’avoir une tribune à titre d’avocate, tribune qu’elle utilise pour dénoncer la discrimination et militer pour les droits de la personne.

C’est dès l’âge de 16 ans, lorsqu’elle a commencé à s’intéresser aux injustices et à la violation des droits de la personne, qu’Afifa Hashimi a décidé de changer les choses.
« J’ai senti l’appel de la profession. Défendre les droits des gens en tant qu’avocate m’intéressait beaucoup », relate-t-elle.
« J’ai appris que le droit est un puissant levier. Il offre des avenues aux gens qui cherchent réparation et qui veulent faire valoir leurs droits de la personne. Le droit peut aussi établir l’égalité. »
Pour avoir fait le saut de la passion à la pratique, Me Hashimi a reçu le prix de l’étoile montante Douglas-Miller de l’ABC.
Ce qui l’intéressait particulièrement, c’était la discrimination fondée sur le genre. Son père étant d’Afghanistan, elle a vu, dès l’enfance, ce qui se passait dans cette région du monde, et elle a développé de fortes opinions sur le traitement des femmes là-bas. Pour Me Hashimi, les droits de la personne n’ont jamais rien eu d’abstrait — elle en a vu les enjeux.
À force d’en apprendre sur le sujet, toutefois, elle a réalisé que la discrimination fondée sur le genre sévit partout dans le monde, y compris ici, au Canada. Il est aussi devenu évident pour elle que toutes les formes de discrimination et d’oppression sont étroitement liées.
Me Hashimi est Afghano-Canadienne, Indo-Canadienne et musulmane. Certes, elle se sait actuellement très privilégiée, mais elle a aussi goûté au racisme et à l’islamophobie. Quand elle était petite, on la traitait de terroriste à l’école.
« C’est quelque chose dont j’ai été très consciente toute ma vie, dit-elle. Je me savais perçue comme différente, étrangère, inférieure. Ça m’a marquée. »
C’est ce vécu et celui de sa famille qui l’ont propulsée vers la profession. Lors de ses études à l’Université de Victoria, elle a décidé d’exercer, entre autres domaines, le droit du travail et des droits de la personne.
Une fois ses études terminées, en 2020, Me Hashimi a fait son stage chez Moore Edgar Lyster LLP, un cabinet de Vancouver spécialisé en droits de la personne et en droit du travail. Elle y est à présent sociétaire, et a à cœur son travail pour les syndicats et la défense des droits des travailleurs.
« Le travail prend une place énorme dans la vie de plein de gens. C’est si important que les travailleurs soient traités de façon juste et équitable et qu’ils aient de bonnes conditions, une rémunération adéquate et un milieu exempt de harcèlement et de discrimination », dit-elle.
C’est un domaine étroitement lié à la discrimination fondée sur le genre. Les revendications des travailleurs sont au front de nombreuses et d’importantes luttes en matière de droits de la personne et d’égalité.
« Je sens que ce que j’accomplis en droit du travail et des droits de la personne cadre vraiment avec mes valeurs, au même titre que de représenter mes clients et d’obtenir pour eux un dénouement favorable. Ça me motive », explique Me Hashimi.
Ce sont entre autres ces valeurs qui ont poussé Samrah Mian, juriste au ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique, à mettre Me Hashimi, son amie, en lice pour le prix.
« Afifa est sans doute la personne la plus intègre que je connaisse. Elle est demeurée fidèle à ses convictions, à ses valeurs. Elle ne fait aucun compromis à ce propos. Elle a su travailler fort, et maintenant, la voilà rendue où elle peut faire ce qu’elle aime. »
Me Mian insiste également sur la gentillesse de Me Hashimi, qui transparaît dans son travail.
« Elle a une profonde compassion et compréhension envers son prochain. »
L’un des atouts que Me Hashimi dit apporter à la profession juridique est son empathie. C’est quelque chose qu’elle juge particulièrement important dans l’exercice des droits de la personne, où l’on représente des gens qui ont traversé des épreuves terribles.
« J’essaie de faire mon travail en tenant compte des traumatismes et de la culture de mes interlocuteurs », indique-t-elle, afin de rendre l’expérience plus supportable pour sa clientèle.
Elle croit que l’équité, la diversité et l’inclusion sont d’une importance capitale dans la profession juridique, car les gens issus de différentes cultures amènent leur vécu à leur travail.
« Selon moi, savoir ce que c’est que de venir d’une communauté pouvant subir une certaine discrimination facilite l’empathie », poursuit Me Hashimi.
Comme l’on peut s’y attendre, l’essentiel de ses activités vise à accroître la diversité au sein de la profession juridique. Outre la pratique du droit, Me Hashimi s’est impliquée à la South Asian Legal Clinic of BC, à la Federation of Asian Canadian Lawyers de la C.-B., à l’Association canadienne des avocats musulmans et au Fonds d’action et d’éducation juridique pour les femmes de la côte Ouest.
On peut d’ailleurs en dire autant de son travail auprès de la Federation of Asian Canadian Lawyers (Colombie-Britannique), et notamment de son rôle de réalisatrice adjointe du documentaire But I Look Like a Lawyer.
« Je suis très reconnaissante d’avoir pu vivre cette expérience, et je me réjouis de l’attention que le documentaire a suscitée, parce que je crois qu’il est très important de prêcher par l’exemple au sein de la profession juridique », affirme Me Hashimi.
« Après tout, comment aider son prochain quand sa propre profession est aux prises avec les mêmes problèmes? »
Me Hashimi est actuellement coprésidente de la Section du droit des droits de la personne de l’ABC-CB, ainsi que membre du comité de direction de la Section nationale du droit constitutionnel et des droits de la personne de l’ABC. Elle souligne l’importance critique des travaux de l’ABC pour influencer les lois et politiques gouvernementales et rendre la société plus inclusive et équitable.
Elle est aussi fréquemment conférencière lors d’activités de formation continue. Elle était notamment présente au congrès de 2023 de la Continuing Legal Education Society of British Columbia sur le droit des droits de la personne, où Sonya Sabet-Rasekh et elle ont présenté leur mémoire sur l’importance d’employer un cadre intersectionnel dans la sphère du droit des droits de la personne en C.-B.
« Je me sens très privilégiée d’avoir une tribune, particulièrement dans le cadre de ma pratique dans ces domaines du droit, indique Me Hashimi. Je crois qu’il est important de pouvoir l’utiliser. »
Forte de sa connaissance des initiatives pour l’équité et la diversité, elle a été nommée au comité consultatif de la Law Foundation of BC, où elle a traité des demandes de subvention pour la justice raciale.
D’après Me Mian, Me Hashimi prend part à toutes les initiatives en matière d’équité et de diversité de Vancouver, implication qui découle de sa « volonté de fournir le temps et les efforts nécessaires et de mettre les gens en relation ». Au point où ses amis lui conseillent même d’apprendre à dire « non ».
« Je ne connais pas beaucoup de juristes de son âge et de son niveau d’expérience qui en font autant qu’elle. Elle participe à tant de projets. Je ne peux pas me balader avec elle sans qu’on la reconnaisse et qu’on vienne la saluer. »
À travers tout cela, Me Hashimi trouve le temps de mentorer des étudiants et étudiantes et des stagiaires en droit de première génération. Elle-même avocate de première génération, elle dit n’avoir connu aucun juriste avant d’opter elle-même pour la profession juridique. En revanche, elle a pu profiter des conseils et du mentorat de juristes en titre lors de ses études et au cours de ses premières années d’exercice.
« Je crois que c’est tout simplement essentiel », lance-t-elle.
« Je sens que ma réussite est collective, qu’elle est le fruit de l’aide de tous ces gens qui m’ont épaulée et m’ont appris ce que je sais. »