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Une approche différente en droit de la famille

Comment Jacinta Gallant a choisi d’aller au-delà du droit dans l’exercice du droit de la famille.

Taylor Smiley et Jacinta Gallant, Charlottetown

En 2018, Jacinta Gallant, avocate en droit de la famille et médiatrice, a connu une journée mémorable. Comme toute mère qui veut souligner l’occasion avec sa famille à la maison, elle s’est arrêtée pour acheter une pizza dans sa ville natale de Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard. C’est là qu’elle a rencontré un ancien collègue de l’université qu’elle n’avait pas vu depuis des années.

« Bonjour, quoi de neuf? Tu as l’air radieux! » est la première chose qu’il lui a dite. Cet air radieux était le résultat de la décision de changement de carrière qu’elle avait prise ce jour-là. Ce compliment lui a confirmé qu’elle avait fait le bon choix.

Me Gallant venait de terminer sa dernière journée en tant qu’avocate plaidante en droit de la famille, après vingt ans de pratique. Non pas qu’elle avait l’intention de prendre sa retraite, mais elle avait représenté pour la dernière fois une famille, une mère, un père, un conjoint ou une conjointe dont le sort serait déterminé par les tribunaux.

Depuis plus de sept ans maintenant, Me Gallant a complètement réorienté sa pratique chez Waterstone Law Group pour se concentrer sur le règlement extrajudiciaire de différends. Bien que cette solution de rechange au litige ne soit pas une nouveauté pour les juristes, l’idée de chambouler la pratique d’une personne pour donner la priorité à la santé mentale l’est.

« Je suis devenue très consciente de la mesure dans laquelle le travail de représentation et le fait de livrer les batailles d’autres personnes m’affectaient », déclare Me Gallant.

Sa pratique en matière de résolution de différends s’articule maintenant autour d’un modèle de médiation axé sur l’apprentissage fondé sur l’approche « Insight », une approche qui existe depuis un peu plus de vingt ans, mais qui n’est pas encore la norme parmi les professionnels du droit.

L’approche reflète une perspective plus globale pour répondre aux besoins et des clients et pour aborder la façon dont ils interagissent avec les autres. Elle se base davantage sur la curiosité que sur le jugement, quelque chose que l’on observe beaucoup trop rarement à la cour de la famille, selon Me Gallant.

« Lorsque vous y pensez, les juristes obtiennent un diplôme en droit, se mettent à pratiquer le droit et doivent ensuite toujours avoir raison », dit Me Gallant, ajoutant que les juristes ont tendance à hésiter à répondre aux questions auxquelles ils ne connaissent pas la réponse. « Il n’est pas étonnant que nous éprouvions de la difficulté dans les situations où nous devons faire preuve de plus de curiosité ou poser plus de questions parce que ce n’est vraiment pas la formation que nous avons reçue », dit-elle.

Pour Me Gallant, la nature intrinsèquement émotionnelle du droit de la famille se prête mieux à une pratique qui rejette l’approche conventionnelle et conflictuelle des affaires de séparation. Si elle se fie aux commentaires qu’elle a reçus de ses clients au fil des ans, les juristes peuvent obtenir de précieux renseignements s’ils prennent le temps d’analyser les différends avant de se pencher sur les processus juridiques.

« Ce que m’ont dit ces clients, c’est qu’ils aiment vraiment que nous abordions en profondeur les aspects les plus humains de leurs séparations, explique Me Gallant. Ils aiment que j’aille au-delà des faits et des statistiques du droit et que je les aide à explorer les possibilités qui s’offrent à eux avec plus d’optimisme. »

Ses clients lui ont également laissé l’impression de pouvoir aborder le différend sans recourir directement au droit de la famille. Ils ne comprenaient souvent pas ce qui se disait pendant les séances, le regard fixe sur l’horloge murale, se concentrant davantage sur le prix que leur coûterait la consultation que sur la façon dont ils pourraient résoudre leur différend.

Cette observation a été l’étincelle qui a conduit Me Gallant à publier ses cahiers d’exercices de séparation, maintenant reconnus à l’échelle mondiale.

Ces ressources à emporter, « Our Family in Two Homes » et « Our Family in a Few Homes », aident les clients à réfléchir à leur rythme à ce qui les menace, ainsi qu’à étudier leurs modèles de communication dans leur couple et les raisons pour lesquelles ils réagissent pour changer leur façon de faire.

Inspirés par ce modèle de médiation, les cahiers d’exercices sont destinés à faire en sorte que les parties en litige soient sur la même longueur d’onde lorsqu’ils se lancent dans des discussions fortes en émotions. En tant que travailleuse collaborative qui croit que les juristes ne devraient pas être les seuls professionnels du droit à pouvoir résoudre des différends en droit de la famille, Me Gallant utilise ses cahiers d’exercices comme guide avec les psychologues, accompagnateurs de vie et clients avec qui elle travaille pendant le processus de séparation.

Ses cahiers d’exercices se vendent partout au monde, dans plus de quarante territoires de compétence. L’intérêt pour le modèle de médiation Insight Approach prend tous les jours de l’ampleur et est au cœur du balado de Me Galant, The Authentic Professional, et des séances de formation sur la médiation qu’elle organise tous les étés à l’Île-du-Prince-Édouard.

Bien que Me Gallant ait mis en application avec beaucoup de succès cette approche en droit de la famille, celle-ci a été développée comme une approche plus globale de résolution de différends.

Cheryl Picard, médiatrice depuis plus de quarante ans, a créé ce modèle et a beaucoup écrit sur ce sujet à la fin des années 2000, alors qu’elle enseignait à l’Université Carleton à Ottawa. Quand elle décrit les principes qui y sont liés aujourd’hui, elle met en relief l’idée de la réaction de fuite ou de lutte utilisée en psychologie, qui explique les changements de comportement pendant un différend.

« En situation de conflit, nous disons que les gens se comportent d’une manière qui correspond à leur expérience lorsque les choses qui leur tiennent à cœur sont menacées », explique Mme Picard. Les juristes en droit de la famille comme Jacinta Gallant savent que les clients aux prises avec un différend familial se sentent exposés à des risques associés à ce qui leur importe le plus : leurs êtres chers.

Mme Picard a développé son modèle de médiation, maintenant largement utilisée comme solution de rechange pour résoudre des différends, avec un collègue de l’Université St. Paul. Ensemble, ils ont déduit que le rôle principal d’un juriste qui fait de la médiation devrait être de découvrir ce que le client perçoit comme une menace et de travailler pour améliorer son interprétation de celle-ci.

Selon Mme Picard, ces juristes doivent être plus que des spécialistes en droit. Ils doivent être intuitifs en lisant le langage corporel défensif et en découvrant les modèles de communication inefficaces qu’utilisent leurs clients dans leurs relations. Cela aide les juristes et les clients à éviter les situations de stress élevé, comme le règlement de différend familial devant un tribunal de la famille.

En 2013, Mme Picard a pris sa retraite et a déménagé à l’Île-du-Prince-Édouard, où elle a fini par tisser des liens avec des professionnels s’intéressant à son modèle de médiation. Me Gallant était l’une des juristes les plus désireuses d’apprendre.

« Elle est tout simplement devenue une apprenante enthousiaste et a travaillé très dur pour comprendre quelque chose qui, pour elle, semblait avoir beaucoup de sens », explique Mme Picard en parlant de Me Gallant. Les deux se sont réunies deux fois par semaine pendant un an et, à ce jour, Me Gallant considère Cheryl Picard comme sa mentore.

Si vous interrogez Mme Picard, le travail de sensibilisation de Jacinta Gallant au modèle de médiation, Insight Approach, est la première étape pour prouver que les juristes de tous les domaines du droit et les nouveaux juristes devraient revoir leur approche en matière de résolution de différends.

Elle remarque une tendance, parmi les juristes plus jeunes en particulier, à aider les personnes confrontées à des conflits tenaces et ardus à améliorer leur vie.

Bien que Mme Picard ait enseigné les solutions de rechange en matière de résolution de différends il y a plus de vingt ans, toutes les facultés de droit ne fournissent pas la même occasion de s’éloigner de l’enseignement traditionnel. La fille de Me Gallant, Taylor Smiley, peut témoigner directement de cette tendance que l’on observe dans les facultés de droit.

Inspirée par le travail de sa mère, Me Smiley a fréquenté la faculté de droit Schulich de l’Université de Halifax pour suivre la voie qu’a prise sa mère. Puisqu’elle souhaitait en savoir plus sur la résolution de différends, elle s’est inscrite à un cours sur les solutions de rechange en matière de résolution de différends. À tout le moins, elle a essayé.

Étant donné qu’il n’y avait qu’un seul de ces cours à la faculté de droit Schulich, l’inscription était une occasion qu’aucun étudiant et étudiante en droit ne voulait manquer. Mme Smiley n’a pas eu de chance.

Maintenant, elle travaille avec sa mère et considère le travail de celle-ci pour initier d’autres personnes au modèle de médiation, Insight Approach, comme une ressource inestimable pour une nouvelle génération de juristes.

« J’aimerais beaucoup que ce soit quelque chose que tout le monde apprenne, surtout lorsqu’ils en sont à leurs premiers pas, explique Me Smiley au sujet de l’approche de sa mère en matière de résolution de différends. Ma génération et la prochaine génération accordent beaucoup plus d’importance à la santé mentale […] et cette approche y est intimement liée, car elle ouvre de nouvelles voies pour que les gens apprennent, grandissent et réfléchissent. »