Une force de la nature
L’avocate et militante Caitlin Urquhart fait des vagues dans le domaine de la justice environnementale, des droits autochtones et de la parité entre les sexes – et elle se fait remarquer.
Lauréate 2022 du prix de l’étoile montante Douglas-Miller, Me Urquhart est enchantée de recevoir cet honneur, mais elle n’a pas le temps de se reposer sur ses lauriers. Le racisme environnemental est dans son collimateur, et ce n’est que le début de sa liste.
« Je suis motivée par ce qui me tient à cœur, déclare la principale intéressée. Il y a tant d’occasions de s’investir aujourd’hui. Je suis au bon endroit, au bon moment. »
Le plus grand organisme de bienfaisance en droit de l’environnement au Canada, EcoJustice, a recruté Me Urquhart en février 2021 pour diriger son bureau de Terre-Neuve-et-Labrador. « Je suis le bureau à moi toute seule », lance la modeste avocate. Si l’on en croit sa feuille de route, les pollueurs n’ont qu’à bien se tenir.
Exerçant le droit à Terre-Neuve depuis 2015, Caitlin Urquhart s’est d’abord fait connaître comme l’avocate du cabinet Smyth Woodland Del Rizzo Barrett (SWDB) qui a représenté les organismes Labrador Land Protectors et Grand Riverkeeper devant la Commission d’enquête sur le projet Muskrat Falls en 2018 et 2019.
L’enquête sur Muskrat Falls a dominé l’actualité pendant des mois, mettant au jour des décisions politiques et commerciales scandaleuses et donnant du poids à des enjeux autochtones et environnementaux jusque-là ignorés. Le rapport de 16 millions de dollars, Muskrat Falls : A Misguided Project (Muskrat Falls : un projet malavisé), a été déposé en mars 2020.
« Travailler avec Caitlin pendant l’enquête sur Muskrat Falls m’a rassurée sur le fait que nous étions entendus et respectés », confie Denise Cole, ancienne agente de liaison des Labrador Land Protectors.
« Je suis motivée par la justice environnementale et profondément inspirée par des gens comme Denise et d’autres qui sont touchés par le racisme environnemental, explique Me Urquhart. Le fait est que des femmes – autochtones, bien souvent – se retrouvent en première ligne pour défendre la santé et la sécurité de leur famille. »
En tant que plus jeune juriste à agir en tant qu’avocate principale d’une partie à l’enquête, Me Urquhart s’est fait remarquer pour son attitude sympathique mais ferme, et pour une maturité qui contrastait avec le caractère jeune et enthousiaste de ses populaires publications sur les médias sociaux. On peut trouver une vidéo de son contre-interrogatoire de l’ancien premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Danny Williams, sur son compte Twitter (@caitmurquhart).
Caitlin Urquhart dit puiser son énergie et son engagement chez ses clients. « On les voit contester et prendre de gros risques parce que la contamination au mercure est un problème grave. Les femmes constatent les répercussions du racisme environnemental sur l’écosystème, mais aussi sur le bien-être spirituel et physique de leur communauté. »
« Elles se jettent littéralement en travers du danger, pour être arrêtées, ajoute Me Urquhart. Ce genre de passion m’inspire beaucoup. »
« Caitlin est proche des communautés innues, et elle y est très bien accueillie, confirme Adrienne Ding, avocate à SWDB. Elle a gagné leur confiance. Elle met son cœur et son âme dans ce qu’elle fait pour eux, et ils savent qu’elle se soucie sincèrement de leur cause. »
Me Urquhart dit ressentir beaucoup d’espoir en travaillant avec les Labrador Land Protectors et d’autres groupes communautaires.
« Caitlin est authentique, affirme Gobhina Nagarajah, également avocate à St. John’s. Établir le contact avec les gens lui vient naturellement. Si ce n’était de gens comme Caitlin, les groupes sous-représentés ne seraient pas aussi visibles. »
Jeune élève à Newmarket, en Ontario, Caitlin Urquhart savait déjà ce qu’elle voulait devenir. Lors d’un cours d’orientation professionnelle, ses camarades et elle devaient décrire leur emploi de rêve. La future militante a aussitôt écrit : avocate spécialisée en environnement. « J’ai toujours voulu exercer le droit, raconte-t-elle. J’aimais la pratique en cabinet privé, et quand une occasion en droit de l’environnement s’est présentée, je n’ai pas hésité une seconde. »
Me Urquhart a d’abord décroché un baccalauréat spécialisé en études de l’environnement et en sciences politiques (cum laude) à l’Université d’Ottawa en 2011. Elle a ensuite obtenu son baccalauréat en droit à l’Université Dalhousie en 2014, où elle a également reçu le prix du Conseil des gouverneurs et la bourse commémorative William-Johnston, c. r.
Me Urquhart est un membre actif du Comité de direction de la Division de Terre-Neuve-et-Labrador de l’ABC. Elle donne également de son temps à des cliniques d’accès à la justice et au Conseil du statut de la femme de St. John’s.
« En tant que nouvelle arrivante, mon implication à l’ABC était un moyen de nouer des relations dans ma province d’adoption, explique-t-elle. Il est important d’avoir un réseau de personnes qui nous connaissent et en qui l’on a confiance. Et le travail de l’ABC est si important. »
Me Urquhart s’implique également à la Public Legal Information Association of Newfoundland & Labrador, offrant des conseils juridiques dans des cliniques communautaires, et notamment des services de soutien juridique gratuits aux survivants de violence sexuelle.
Quand Me Urquhart ne livre pas combat au profit de la nature, elle l’explore. Elle a déménagé à Terre-Neuve avec son conjoint à la fin de son stage à Ottawa, en 2016, et n’a jamais regretté son choix. Si le couple réside (avec ses chats) au cœur de St. John’s, « au milieu des meilleurs cafés », il rend régulièrement visite à son cheval en dehors de la ville. Ayant grandi sur une ferme, Me Urquhart est passionnée d’équitation.
« Nous sommes venus à Terre-Neuve pour une visite et nous avons eu un coup de cœur », confie-t-elle au sujet de leur excursion en kayak à Happy Valley-Goose Bay et de leur découverte de la ville de St. John’s. « C’est un endroit exceptionnel. »
Le prochain objectif de Me Urquhart : le projet de loi C-230, Loi sur la stratégie nationale visant à remédier au racisme environnemental, déposé par la députée Lenore Zann en juin 2021 pour « examiner le lien entre la race, le statut socioéconomique et le risque environnemental ». Le projet de loi n’a pas pu se rendre au vote final avant la dissolution du Parlement à l’automne 2021. Me Urquhart fait partie du mouvement réclamant le retour du projet de loi à Ottawa et son adoption.
Gobhina Nagarajah résume ainsi son admiration pour Caitlin Urquhart : « Caitlin est une véritable force de la nature. Elle a déjà accompli tant de choses dans sa carrière, et elle ne donne aucun signe de ralentissement. »
Ce n’est donc qu’un début.
Le prix de l’étoile montante Douglas-Miller est décerné à un ou une juriste en début de carrière qui est membre en règle de l’ABC et qui se distingue pour son excellence professionnelle, les services rendus à la profession, son dévouement exceptionnel et son esprit d’équipe dans la participation continue aux activités de l’ABC. Ce prix vise à honorer le talent florissant d’une personne qui en est à ses premiers pas dans la profession et qui démontre déjà des qualités de leadership.