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Rendre le courage superflu

Lea lauréat·e du prix « Les Assises » 2022, Lee Nevens, utilise les privilèges dont iel jouit pour promouvoir la reconnaissance des personnes issues de la diversité des genres.

Lee Nevens, co-chair of the Sexual Orientation and Gender Identity Community Section of CBA-BC
Jimmy Jeong

En remettant des prix, on cherche à braquer les projecteurs sur des initiatives qui se démarquent et les formidables contributions qui font avancer la société. Or, il est rare qu’un prix vienne couronner tous les gens qui sont véritablement porteurs de changements, ces innombrables personnes résilientes et courageuses qui ouvrent la voie pour les autres.

Lee Nevens (iel/lea), coprésident·e de la Section sur l’orientation et l’identité sexuelles de la Division de la Colombie-Britannique de l’Association du Barreau canadien (ABC), est lea lauréat·e du prix « Les Assises » de cette année pour son travail exceptionnel de promotion de l’égalité des personnes trans, non binaires et issues de la diversité des genres dans la profession juridique et le système judiciaire. Mais c’est à d’autres personnes qu’iel attribue le véritable mérite du changement : les enfants qui, terrifiés, annoncent à leurs parents qu’ils sont trans, les jeunes qui ont le courage d’être eux-mêmes à l’école, les gens qui, s’armant de patience, expliquent et réexpliquent leurs pronoms et ne craignent pas d’exiger des installations et des services tenant compte du genre et inclusifs pour les personnes trans (toilettes, soins médicaux, services juridiques, etc.).

Cette disposition de Me Nevens à honorer les autres reflète bien qui iel est et la façon dont iel milite. En tant qu’avocat·e ouvertement trans ayant bénéficié des changements issus de ces innombrables risques et victoires qui passent inaperçus, iel considère qu’il est de son devoir d’agir pour transformer ces gestes en un changement systémique.

Dans sa lettre de mise en candidature de Me Nevens, l’avocate vancouvéroise barbara findlay, c.r., écrit que les personnes queer et trans sont opprimées lorsqu’elles sont réduites au silence et à l’invisibilité devant le monde, dans la loi ainsi qu’entre elles-mêmes. En étant très ouvertement trans et en militant en faveur de l’éducation sur la réalité trans et d’un changement dans les pratiques en Colombie-Britannique et au pays, Me Nevens contribue grandement à accroître la visibilité des personnes issues de la diversité des genres.

La portée de son action est d’autant plus remarquable lorsqu’il est question de la reconnaissance et du respect des pronoms d’autrui. Admis·e au barreau en 2013, Lee (Lisa) Nevens travaille aujourd’hui comme avocat·e plaidant·e pour le ministère de la Justice du Canada à Vancouver. Iel a commencé à tenter de faire reconnaître les pronoms il y a des années au travail, en indiquant ses propres pronoms dans la signature de ses courriels et en sensibilisant ses collègues à ce sujet. Des années plus tard, iel constate avec plaisir que le ministre de la Justice David Lametti indique ses pronoms dans sa biographie sur Twitter.

Me Nevens affirme qu’il est important que chaque personne, y compris celles qui ne sont jamais mégenrées, inscrive ses pronoms dans sa signature de courriel et les précise devant le tribunal et lors d’allocutions ou de participation à une table ronde. « Je crois que cela incite les autres à faire de même et crée un espace bienveillant où les gens qui ne s’identifient pas nécessairement à un genre conventionnel peuvent aussi le faire. Et c’est aussi un moyen de montrer qu’on reconnaît la diversité des genres et qu’on s’efforce de ne pas faire de suppositions potentiellement blessantes selon le nom, l’apparence ou la voix. »

Me Nevens sait que pour iel, avocat·e à la peau blanche relativement favorisé·e sur les plans social et économique, il est plus facile de s’affirmer et de s’exprimer comme personne trans que pour beaucoup d’autres gens. Iel tente donc d’utiliser sa position pour inspirer le mouvement et créer cet espace pour les autres. Et ça va bien au-delà des pronoms.

Première personne ouvertement transgenre et non binaire élue au Conseil d’administration de la Division britanno-colombienne de l’ABC, Me Nevens accomplit actuellement son deuxième mandat. Iel dirige et coordonne les activités de représentation et les consultations avec la communauté de l’orientation et l’identité sexuelles à la demande de la magistrature, de la Law Society of British Columbia, des tribunaux et d’autres organismes. De plus, iel donne des formations, participe à des tables rondes, anime des webinaires et épaule les conférencières et conférenciers lors d’événements et encadre des étudiantes et étudiants ainsi que de jeunes juristes.

Élevé·e par une personne artiste, Lee (Lisa) Nevens ne songeait pas à faire carrière comme avocat·e lorsqu’iel était enfant. Iel ne se voyait pas plus défendre les droits des personnes queer et trans et sensibiliser les gens à leur réalité, du moins, pas avant ses études de premier cycle en science politique à l’Université McGill à Montréal. « Je crois que j’ai accepté d’administrer Queer McGill pas plus de six mois après être sorti·e du placard, dit-iel en riant. Depuis, je cherche à améliorer les conditions pour les membres de ma communauté, non seulement par mon travail, mais aussi simplement en essayant d’être ouvert·e et d’affirmer autant que possible la personne que je suis. »

Iel a poursuivi ses activités de militantisme pendant ses études en droit à l’Université de la Colombie-Britannique et après. Aujourd’hui, outre son implication au sein de l’ABC, Me Nevens siège au conseil d’administration de Zee Zee, une petite troupe de théâtre queer de Vancouver. « Le but de l’existence même de cette troupe est de mettre en lumière les expériences des membres de nos communautés et de les faire connaître à différents publics », explique-t-iel.

Pour iel, le fait qu’on lui décerne prix « Les Assises » est significatif, car il témoigne du soutien institutionnel de l’ABC à l’endroit des personnes trans et issues de la diversité des genres. Il vient également consolider ses efforts qui s’appuient sur le courage et la résilience de ceux et celles qui portent ces petites lueurs d’espoir en prenant en main leur propre destin. « Je travaille pour faire progresser le changement systémique, de sorte qu’un jour, on n’ait plus besoin de faire preuve de courage et de résilience pour simplement être soi-même », conclut-iel.

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Le prix « Les assises » commémore les réalisations d’un ou d’une juriste ou d’une organisation ayant contribué de manière exceptionnelle à la promotion de l’égalité dans la profession juridique, la magistrature ou la communauté juridique au Canada. Ce prix reconnaît les efforts efficaces visant à promouvoir ou à faire progresser l’égalité, à l’échelle nationale ou une contribution exceptionnelle concernant les questions de race, de sexe, de handicap, d’orientation sexuelle ou autres questions reliées à la diversité au sein de la communauté du lauréat ou de la lauréate.