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Les femmes sont moins enclines à utiliser l’IA dans leur pratique

Il y a un écart « remarquablement constant » entre les genres quant à l’adoption de l’IA dans la profession juridique

Illustration conceptuelle d'une femme et de l'IA
iStock/metamorworks

L’intelligence artificielle facilite l’exécution des tâches courantes des juristes. Or, selon de nouvelles études, les femmes sont moins enclines à l’utiliser, ce qui pourrait avoir des répercussions professionnelles.

D’après un document de travail sur le recours aux outils d’IA à l’échelle mondiale paru plus tôt cette année, les femmes sont 20 % moins susceptibles d’utiliser ces technologies. L’écart est « remarquablement constant » selon les auteurs.

Dans un rapport de recherche de Stanford, de Harvard et de l’Université de la Californie, intitulé « Global Evidence on Gender Gaps and Generative AI », des chercheurs ont analysé des études réalisées auprès de plus de 140 000 personnes dans le monde entier. Ils ont constaté un écart « presque universel » entre les genres quant à l’utilisation de l’IA générative.

Nika Pidskalny, qui pratique le droit corporatif, commercial et technologique chez Lawson Lundell LLP, un cabinet de Kelowna, estime que les outils d’IA l’ont aidée à transformer sa pratique.

« Pour moi, c’est la fonction de dictée vocale qui a tout changé, pour le travail facturable et non facturable », dit-elle.

« Personne ne me paie pour rédiger un courriel. Le contenu, le jugement et la clarté, c’est ce qui compte. L’IA m’aide à formuler mes pensées rapidement et clairement », poursuit-elle.

Me Pidskalny est aussi chef de la direction et cofondatrice de Splendr, qui utilise des technologies d’IA pour aider les juristes et les cabinets à avoir des pratiques commerciales évolutives. Elle est au courant des études montrant que les femmes sont moins portées à adopter l’IA et a elle-même constaté ce fait.

« La recherche cite plusieurs facteurs : la confiance dans l’IA générative, la conscience de son incidence sur la réussite professionnelle, et la volonté de prendre des risques sur un terrain encore vierge de politiques », dit-elle.

« Nous avons constaté cet écart avec nos propres produits de technologie juridique. La plupart des hommes les adoptent rapidement, tandis que les femmes préfèrent souvent attendre plus de preuves sociales ou une généralisation de leur utilisation chez leurs pairs », explique-t-elle.

Me Pidskalny encourage les femmes juristes à envisager l’intégration de l’IA à leur pratique.

« C’est certainement le plus gros changement que nous verrons dans nos carrières, et il s’accompagne d’avantages, poursuit-elle. Les femmes ont le choix entre risquer de perdre du terrain si durement gagné, ou foncer et adopter l’IA. »

L’article américain présente l’analyse de 18 études menées auprès d’étudiants universitaires et de travailleurs de maints pays, dont le Canada.

« Les stéréotypes et les différences de statut peuvent… rendre les femmes moins enclines à utiliser les nouvelles technologies, même quand elles en voient les avantages », rapportent les chercheurs.

« À titre d’exemple, les femmes peuvent présenter un risque accru d’être pénalisées ou perçues comme des “tricheuses” lorsqu’elles décident d’utiliser des outils d’IA générative. »

Lisa Feldstein, l’avocate principale du Lisa Feldstein Law Office, un cabinet de Markham, en Ontario, dit pour sa part ne pas avoir remarqué de différence entre les genres dans l’utilisation de l’IA, et recommande aux juristes, peu importe leur genre, d’envisager son adoption.

Elle utilise ces outils régulièrement dans sa pratique pour l’aider à « se tirer d’affaire ». Cela peut prendre toutes les formes, du remue-méninges à la correction d’épreuves de ses écrits. L’un des avantages, c’est qu’elle peut faire jouer à l’outil employé le rôle d’une personne, comme un juge ou la partie adverse.

Lorsqu’elle rédige, Me Feldstein fait parfois appel à l’IA pour son premier jet.

« J’alimente ce jet d’extraits de mon travail, puis de mes idées. Il en ressort un brouillon beaucoup plus utile qu’avec des instructions génériques », dit-elle.

Lorsqu’elle a des problèmes technologiques dans sa pratique du droit de la santé et de la famille, que ce soit Outlook ou son site Web, c’est aussi vers l’IA qu’elle se tourne.

« L’outil m’accompagne dans les étapes à suivre, et le plus souvent, il me mène à bon port », se réjouit Me Feldstein.

Toutefois, malgré tous les avantages de l’IA, il existe des raisons de l’utiliser avec prudence.

Selon Me Pidskalny, les risques principaux résident dans la confidentialité, l’exactitude et la confiance excessive.

« N’entrez jamais de renseignements confidentiels d’un client dans l’outil sans les protections adéquates », prévient-elle.

Me Feldstein met aussi en garde contre l’entrée de tels renseignements dans un outil d’IA. Idem pour les renseignements exclusifs sur votre cabinet.

« On ne sait jamais où ces renseignements peuvent se retrouver. »

Les utilisateurs sont eux aussi confrontés à la réalité : l’IA n’est pas toujours fiable.

« Aussi performants soient-ils, les outils font encore des erreurs, tout comme l’humain. Ils peuvent oublier des choses ou se tromper », dit Me Feldstein.

« Si vous voulez vous en servir pour des recherches juridiques, faites qu’ils vous guident vers les sources. Ne les utilisez pas simplement comme source principale. »

Me Pidskalny recommande aux juristes de « toujours vérifier l’information à la lumière des sources. »

La technologie porte facilement à trop s’y fier, ce dont les juristes doivent se garder.

« Traiter l’IA comme un premier jet, jamais comme un produit final », prévient Me Pidskalny.

De son côté, Me Feldstein traite le contenu produit par l’IA comme si c’était un stagiaire ou un adjoint qui l’avait rédigé.

« Ça ne vous remplace pas, résume-t-elle. C’est d’un niveau inférieur. »

Hormis ces mises en garde, Me Feldstein recommande aux juristes réticentes à utiliser l’IA au travail d’en faire l’essai dans leur vie privée.

« De cette façon, vous êtes à l’abri de certains risques, parce que l’enjeu n’est pas très important », poursuit-elle, disant au passage qu’elle a dernièrement utilisé l’IA pour identifier une chenille qu’elle avait aperçue lors d’une promenade à pied.

Me Pidskalny croit que c’est un bon conseil.

« L’IA est là pour de bon. Et son recours accélère rapidement », dit-elle.

« Quand vous verrez ses avantages, vous comprendrez mieux comment l’intégrer à votre pratique. »