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L’AGA de l'ABC : Mises en garde contre les menaces qui pèsent sur l'État de droit

Le juge en chef du Canada exhorte les gouvernements à investir dans les ressources des tribunaux, tandis que le président de l'ABC appelle à redoubler d'efforts pour assurer la sécurité des juges et des justiciables.

John Stefaniuk, président de l'ABC
John Stefaniuk, président de l'ABC Photo: Blair Gable

Dans son allocution à l’Assemblée générale annuelle de l’Association du Barreau canadien, le juge en chef Richard Wagner a prêché la prudence au sujet de la montée mondiale de la tyrannie et de la corruption systémique en tant que menaces à la primauté du droit. Citant l’indice le plus récent du World Justice Project, qui montre pour la sixième année consécutive un déclin de la primauté du droit dans la majorité des pays, il a souligné le rôle du Canada en tant que modèle de la justice sur la scène mondiale.

« Malgré la santé générale de notre système juridique, nous savons que certains défis demeurent », a déclaré le juge en chef, insistant sur la nécessité de sauvegarder les principes de démocratie et d’indépendance de la magistrature. « Nous devons toujours nous efforcer d’être un modèle pour la communauté mondiale. »

Le juge en chef Wagner, qui livrait une allocution remarques préenregistrée, a également exprimé ses craintes en ce qui a trait à l’accès à la justice pour les Canadiennes et Canadiens marginalisés si les gouvernements ne remédient pas au manque « persistant » de ressources pour les tribunaux et aux retards « considérables » par rapport aux postes judiciaires à pourvoir.

En date du 1er janvier, il y avait 78 de ces postes à pourvoir à la magistrature fédérale. « Certains tribunaux doivent composer depuis des années avec des taux de vacance aussi élevés que 10 à 15 % », a-t-il fait remarquer, ajoutant qu’il n’est pas rare que des postes demeurent vacants pendant des mois, voire des années.

« Les postes à pourvoir au sein de la magistrature aggravent une situation déjà alarmante dans certains tribunaux qui sont confrontés à un manque critique de ressources humaines et financières. »

"Je constate par ailleurs que cette situation ne contribue guerre à inspirer la confiance du public dans le système judiciaire," a-t-il ajouté. « Il est important que nos gouvernements comprennent que l’arrêt Jordan, rendu par notre cour en 2016, est une conséquence des défis auxquels font face les tribunaux et non la source du problème. »

Le juge en chef a remercié l’ABC de ses efforts visant à promouvoir « la justice, l’égalité et la primauté du droit à tous les niveaux de notre système de justice », et a applaudi le travail qu’accomplit l’association pour appuyer l’éducation juridique et le perfectionnement professionnel, qui, selon lui, est « crucial pour promouvoir un système juridique équitable et efficace au Canada ».

Il a également félicité La Revue du Barreau canadien pour son 100e anniversaire. « Je lève mon chapeau à tous ceux et celles qui ont contribué à son succès. »

Faisant écho aux sentiments du juge en chef Wagner, le président de l'ABC, John Stefaniuk, a parlé des menaces inquiétantes qui pèsent sur l'État de droit et l'indépendance de la magistrature, et a notamment évoqué les incidents de violence dans les palais de justice aux États-Unis et au Canada, y compris une récente attaque au couteau contre un interprète judiciaire dans un palais de justice du Québec

Lorsqu'elle défend l'indépendance de la justice, l'ABC doit également souligner l'importance d'assurer « la sécurité physique des juges et de leurs familles », ainsi que celle du personnel judiciaire et des usagers du système judiciaire, a déclaré le président Stefaniuk.

« L’ABC parle d’une seule voix, unie et puissante à ce sujet », a-t-il dit, ajoutant que nous ne nous arrêterons pas dans nos efforts « publics et en coulisses alors que nous travaillons avec des parties prenantes pour trouver des solutions pratiques à la question avant qu’elle n’atteigne les proportions que nous voyons ailleurs ».

Me Stefaniuk a aussi souligné certains des succès qu’a connus l’ABC en 2023 en matière de représentation, notamment son soutien à la contestation constitutionnelle par la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada des nouvelles règles de divulgation obligatoire dans la Loi de l’impôt sur le revenu sur les opérations à déclarer.

Lors d’une allocution préenregistrée, le ministre de la Justice et procureur général du Canada Arif Virani a parlé de nombreux objectifs en commun avec l’ABC, qu’il a qualifiés de voix efficace et importante pour l’ensemble de la communauté juridique. « Assurer un accès égal à la justice pour tous et pour toutes. Combattre les inégalités et le racisme dans le système de justice pénale. Renforcer notre système judiciaire et veiller à ce qu’il comprenne un contingent de juristes qui reflètent le public qu’il sert. » Le ministre Virani a ajouté qu’il attend avec impatience l’adoption par le Parlement du projet de loi C-40 sur la création d’une commission indépendante chargée d’examiner les erreurs du système judiciaire, que l’ABC appuie.

Il a également commenté les postes judiciaires à pourvoir, réitérant que 685 juges avaient été nommés depuis 2015, dont 62 depuis son entrée en fonction à la fin du mois de juillet 2023. « Veuillez envisager de présenter votre candidature pour ce rôle important, a-t-il dit aux membres de l’ABC. Aidez-moi à reconstituer le bassin de candidats et candidates avec des personnes ayant un éminent sens du droit qui reflètent la diversité de notre société. »

Lynne Vicars, vice-présidente de l’ABC, a annoncé que Bianca Kratt, c.r., membre du conseil d’administration en provenance de l’Alberta, avait été élue au poste de vice-présidente pour l’exercice 2024-2025. Me Kratt est associée chez Parlee McLaws LLP à Calgary. Elle se spécialise dans le droit commercial, le droit bancaire et le droit immobilier, et est membre de la Première Nation huronne-wendat près de Québec.

L’AGA de cette année a présenté 13 résolutions, qui ont fait l’objet de débats et ont été soumises au vote, traitant de sujets allant de la gouvernance aux droits à l’avortement, en passant par l’utilisation de l’IA dans la législation sur l’immigration et son application.