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La définition de la famille évolue

Les lois entourant la parentalité au Canada ne sont pas cohérentes d’une province à l’autre, surtout pour les familles non traditionnelles. Les gouvernements provinciaux devront se pencher sur la question.

LGBTQ family on vacation

La famille de Karin Galldin a commencé comme plusieurs autres : avec un simple désir d’élever des enfants. La route choisie n’était pas la plus empruntée, mais la voie avait déjà été tracée. Au moment de donner naissance à une belle petite fille, tout était prêt pour qu’elle soit reconnue comme l’un des quatre parents, avec sa conjointe, de même que le père biologique et son conjoint.

Il y a une plus grande acceptation aujourd’hui des relations diversifiées qui incluent des parents multiples et des structures familiales alternatives. La définition juridique d’une famille continue d’évoluer – dans certaines provinces plus que d’autres. Mais le processus demeure lent et manque de constance.

« Je suis une femme queer; j'avais environ 30 ans. J'avais un bon ami, Matthew, avec qui je pensais de plus en plus qu’il serait une personne merveilleuse avec qui être coparents » , raconte Karin Galldin. Alors que les deux amis commençaient à planifier leur projet, ils ont tous deux rencontré leur conjoint, qui ont rapidement voulu y participer.

Ils ont passé beaucoup de temps à discuter de ce qui était important pour chacun d'eux et à échanger sur leurs peurs, leurs espoirs et leurs valeurs communes. Ils ont ensuite rédigé un contrat de parentalité, qu'ils ont réitéré lorsqu'ils ont décidé deux ans plus tard d'avoir un deuxième enfant.

« Tout cela se passait dans le contexte de la réforme du droit en Ontario, engendré par une contestation constitutionnelle », explique Me Galldin, avocate à la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada. « Si nous avions créé notre famille sous l'ancien régime, nous n'aurions eu que deux parents enregistrés sur l'acte de naissance de Zora. Nous n'aurions certainement pas pu en avoir quatre. »

La nouvelle loi, promulguée en 2016, prévoit que les personnes qui ne participent pas à la conception d'un enfant peuvent être désignées comme parents par un processus simple, sans passer par la voie de l'adoption. C’est la première fois que la province mettait ses lois sur la parentalité à jour depuis 1978. Il est ainsi possible de nommer jusqu'à quatre parents dans l'acte de naissance, à condition qu'il y ait une entente parentale avant la conception.

En 2007, la Cour d'appel de l'Ontario, dans A.A. c. B.B. a permis à un enfant d'avoir trois parents légalement reconnus. La menace d'une autre contestation constitutionnelle quelques années plus tard a accéléré encore davantage la cadence au gouvernement de la province.

La décision de la Cour d'appel a aussi incité les juges d'autres provinces de common law à reconnaître plus de deux parents pour un enfant. Mais la situation reste inégale à travers le pays. Le Québec, notamment, a écarté cette possibilité. L’an dernier, le juge Gary Morrison de la Cour supérieure du Québec a exhorté le gouvernement provincial à réexaminer ses lois. L’appel a été entendu au printemps, mais aucune décision n’a encore été rendue.

Si la question est intimement liée à la reconnaissance du mariage entre personnes du même sexe au Canada, celle entourant la nature de la relation entre les parents retient aussi l'attention.

L'avocate d'Ottawa Marta Siemiarczuk a aidé son ancienne collègue de la faculté de droit, Natasha Bakht, et son amie, Lynda Collins, à obtenir du tribunal une déclaration de filiation du fils de Me Bakht, Elaan. Cette dernière, professeure de droit de la famille à l'Université d'Ottawa, a décidé en 2009 de devenir une mère célibataire et est tombée enceinte d'Elaan par insémination.

Me Siemiarczuk, associée chez Nelligan O'Brien Payne LLP, note que la demande de déclaration était autrefois une procédure rarement utilisée, initialement destinée aux pères non reconnus. Mais avec l'évolution constante de la société et des technologies, l'utilisation de la déclaration de filiation a gagné du terrain, notamment chez les couples de même sexe.

Mes Bakht et Collins, deux professeures de droit à l'Université d'Ottawa, ne forment pas un couple. Elles sont simplement deux amies qui partagent un amour pour Elaan et qui s’occupent de lui ensemble. En droit canadien, Me Siemiarczuk ne pouvait trouver aucune autre situation dans laquelle les parties cherchaient à obtenir une déclaration dans une situation postérieure à la conception et concernant une relation entre non-conjoints.

« Normalement, quand une déclaration de parenté est recherchée, c'est soit parce qu'il y a un lien biologique avec l'enfant, soit il y a un lien de conjoints entre le "parent" non lié biologiquement et le parent biologique », dit-elle.

La professeure Bakht estime que des contestations sont à venir quant aux exigences voulant que les parents soient des conjoints pour voir leur parentalité reconnue. « Vous devez reconnaître qu'en tant qu'avocats ou législateurs, nous ne pouvons penser à toutes les différentes permutations et à la diversité des familles qui existent ou peuvent exister un jour, vous devez donc disposer de principes juridiques généraux », dit-elle. « Mais lorsque survient une situation familiale à laquelle on n'a pas pensé, il est vraiment dommage de les exclure lorsque cette famille élève des enfants dans un contexte sain et affectueux. »

La famille de Galldin reconnaît qu'elle était au bon endroit au bon moment, et que d’autres au pays ne sont pas aussi chanceux. « Les gens queer comptent depuis longtemps sur des relations extraconjugales ou non conventionnelles pour créer et avoir des enfants », dit-elle. « Mais en fin de compte, nos enfants savent qui sont leurs parents et savent qu’ils ont un père, un papa, une mère et une maman. Avoir le nom des quatre parents sur l’acte de naissance est très puissant pour nous. »