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Juristes, voyagez léger

Si vous allez aux États-Unis, il vaut mieux protéger vos données

Fil barbelé superposé sur un drapeau américain
iStock/Cunaplus_M.Faba

En raison des tensions existant entre le Canada et les États-Unis, les experts recommandent aux juristes qui s’y rendent de prendre des précautions supplémentaires afin de protéger leurs renseignements personnels et confidentiels.

Dans un récent avertissement aux voyageurs, le gouvernement canadien a prévenu ces derniers qu’ils peuvent faire face à un examen minutieux à la frontière américaine, y compris à des fouilles intrusives de leurs appareils électroniques.

Selon l’avertissement publié le 4 avril, les douaniers américains sont en droit de contrôler les appareils électroniques, comme les téléphones cellulaires, les ordinateurs ou les tablettes, et ils « n’ont pas à fournir de raison lorsqu’ils demandent un mot de passe pour déverrouiller votre appareil ».

Cet avertissement a incité la Law Society of British Columbia à rappeler à ses membres que cette situation représente un risque particulier pour les juristes qui se déplacent à l’étranger avec leur téléphone cellulaire et leur ordinateur portatif de travail.

« Si votre appareil électronique est contrôlé à une frontière, les renseignements d’un client peuvent être compromis, mettant en péril le secret professionnel et la confidentialité », indique le barreau dans une déclaration.

Il a ajouté que les juristes devraient laisser leurs appareils électroniques à la maison lorsqu’ils voyagent aux États-Unis, mais il a reconnu que ce n’est pas toujours pratique, surtout lorsqu’ils voyagent pour le travail.

« Il vaut mieux en faire moins », dit Christiane Saad, une experte en matière de protection des données de l’Université d’Ottawa et directrice du Programme de pratique du droit en français.

« N’apportez que ce dont vous avez besoin, que ce soit des appareils ou des données. »

Elle recommande aux juristes de désactiver les applications de leurs appareils électroniques, y compris les applications de courriel, et de s’assurer que leur téléphone cellulaire et leur ordinateur portatif ne contiennent aucun renseignement sensible ou confidentiel.

« Ainsi, lorsque vous voyagez, vous ne recevrez pas de courriels confidentiels susceptibles d’entraîner d’autres questions à la frontière. »

Bien que les craintes au sujet de la protection des données au moment de traverser la frontière ne datent pas d’hier pour les juristes, étant donné l’ambiance actuelle, Me Saad dit qu’elles ont certainement augmenté, ce qui amène certaines personnes à éviter les voyages aux États-Unis ou de les reporter le plus longtemps possible.

« Je connais bon nombre de personnes qui ont simplement décidé de ne pas voyager aux États-Unis pour l’instant », dit David Fraser, associé chez McInnes Cooper à Halifax et spécialisé dans la technologie et la protection des données.

« Ce qu’on entend, c’est que la quantité d’examens minutieux des appareils électroniques semble augmenter pour les personnes qui entrent aux États-Unis. J’en comprends que les choses sont beaucoup moins prévisibles. »

Selon lui, les Canadiens et les Canadiennes devraient se rappeler que, lorsqu’ils entrent dans un autre pays, ils n’ont pas les droits auxquels ils se sont habitués en vertu de la Charte des droits et libertés.

« Lorsque vous entrez dans un autre pays, même si vous détenez un visa, le douanier que vous rencontrez a un pouvoir discrétionnaire très élevé pour déterminer votre admissibilité », dit Me Fraser.

« Un déséquilibre de pouvoir important existe, et des personnes nous ont dit qu’elle n’ont pas simplement été refoulées à la frontière, mais arrêtées et envoyées en centre de détention pour attendre une expulsion officielle. »

Pour cette raison, les juristes qui traversent une frontière devraient savoir qu’il faut réduire le plus possible l’exposition de l’information sur tout appareil.

« Idéalement, il faut retirer tous les renseignements confidentiels de vos appareils électroniques et ne pas voyager avec eux », dit Me Fraser.

« S’il est plus pratique d’avoir un téléphone cellulaire jetable neuf, il faut s’en procurer un. Vous pouvez aussi faire la réinitialisation aux paramètres d’usine de votre téléphone avant de traverser la frontière et réinstaller vos applications de l’autre côté en utilisant une connexion Internet sécurisée. »

S’ils ne peuvent le faire, il recommande aux voyageurs de garder un nombre minimal d’applications sur leur téléphone à la frontière, ce qui leur permet d’avoir accès aux documents du client au moyen des services infonuagiques.

Me Fraser prévient que les douaniers peuvent obliger les voyageurs à remettre leurs appareils électroniques et, à certains endroits, à les déverrouiller.

« Vous devez toujours vous assurer que toutes les personnes avec qui vous faites affaire savent que vous êtes juriste et que vous vous y opposez officiellement », dit-il.

« Vous aurez toujours l’obligation de faire valoir le secret professionnel autant que possible. »

Il est également judicieux de planifier un voyage, en particulier si vous allez dans plus d’un pays, et de comprendre les protocoles à leur frontière. Me Fraser conseille aux juristes de garder des notes écrites accompagnées de coordonnées pour obtenir une aide juridique dans le pays où ils se rendent et de leur barreau pour qui les aient en main s’ils en ont besoin.

De même, Me Saad recommande que les juristes qui voyagent aux États-Unis communiquent à l’avance avec des juristes américains spécialisés dans la protection des données pour qu’ils puissent les contacter en cas de problème à la frontière. Il est aussi utile de consulter les lignes directrices de votre barreau avant de voyager.

Vous pouvez aussi emporter des documents papier qui montrent vos titres de compétence, ce qui pourra vous aider à éviter de déverrouiller vos appareils électroniques pour les prouver aux douaniers.

Me Saad dit que même les juristes de petits cabinets doivent être conscients des préoccupations en matière de protection des données.

« Ne sous-estimez pas la taille de votre organisation. Le simple fait de ne pas travailler dans un grand cabinet ou une société importante ne signifie pas que votre client ne possède pas de renseignements essentiels et sensibles », dit-elle.