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Le droit autochtone et les lois des Autochtones : Pourquoi faut-il connaître la différence?

Comprendre la distinction n’est pas purement théorique, c’est une responsabilité éthique

Une plume de purification utilisée lors des cérémonies
iStock/efoArt

Les lois des Autochtones et le droit autochtone sont des expressions souvent confondues et utilisées de façon interchangeable. Toutefois, comme les systèmes juridiques découlent de sources différentes et témoignent de perspectives diverses, elles ne sont pas identiques.

Il y a cinq ans, Terence Sakohianisak Douglas travaillait à une affaire qui l’a obligé à saisir la différence.

Son rôle de juriste pour la Wabaseemoong Child Welfare Authority à Kenora, en Ontario, l’a amené à comprendre que le droit autochtone fait référence aux lois de l’État canadien qui régissent les relations entre les Autochtones et l’État, y compris les droits constitutionnels uniques des peuples autochtones et leurs rapports avec la Couronne.

Les lois des Autochtones, davantage axées sur la communauté, concernent des traditions juridiques distinctes et des systèmes de gouvernance prenant racine dans les relations des peuples autochtones avec la terre, le monde spirituel, la coutume, les enseignements et d’autres aspects de leur culture. 

« Ce ne sont pas de simples lois, elles témoignent de leur existence en tant que peuple. Si vous les utilisez dans votre travail, vous devez faire preuve du respect approprié », dit Me Douglas, qui a pris part à une table ronde sur le sujet le mois dernier à la Conférence de l’Association du Barreau du Canada sur le droit autochtone à Winnipeg. 

« Depuis ce moment, je me suis donné un mot d’ordre : parler moins, écouter plus et faire preuve d’humilité. Il faut que je comprenne que je ne sais pas tout. »

La compréhension de la distinction n’est pas purement théorique, c’est une responsabilité éthique. Alors que le Canada poursuit ses efforts de réconciliation, les juristes jouent un rôle essentiel dans la promotion de la justice, de la légitimité et de la pratique éthique dans un système juridique pluraliste.

La coanimatrice de la table ronde, Danielle Morrison, juriste salariée de Cochrane Sinclair à Winnipeg, dit que la façon dont les juristes font la promotion de leurs propres services est un bon départ.

Elle a remarqué que des sites Web de cabinets ont modifié leurs pratiques en « droit autochtone » pour celles fondées sur les « lois des Autochtones », pensant peut-être que c’est la chose politiquement correcte à faire.

« J’ai constaté que beaucoup de cabinets juridiques le faisaient, mais c’est éthiquement irresponsable », dit-elle, puisque les deux expressions ne sont pas interchangeables. 

En définitive, les lois des Autochtones sont enracinées dans la communauté. 

« Lorsque nous affirmons que notre pratique repose sur les lois des Autochtones, nous ne pouvons dire que ce sont toutes les lois des Autochtones », dit Genevieve Benoit, une juriste salariée de MN Trachtenberg Law Corporation à Winnipeg, qui a coanimé la table ronde.

« Nous aidons ainsi les communautés, et seules certaines communautés ont leurs lois. Ce n’est toutefois pas nous qui contrôlons ces lois. Des processus sont nécessaires. »

La compréhension de la communauté est essentielle 

Selon Janell Jackson, une étudiante en droit de l’Université du Manitoba et coprésidente de la Section sur l’équité de l’Association du Barreau du Manitoba, le droit autochtone est lié aux traités et repose en grande partie sur les rapports fondés sur les traités créés par les ancêtres, guidés par les lois des Autochtones.

« Par les temps qui courent, toute tentative de résumer, de catégoriser et de présenter les lois des Autochtones ne fonctionnera tout simplement pas », dit-elle. 

« C’est un beau projet de conversation à avoir et de compréhension à saisir et à méditer. » 

Me Jackson dit que les pipes, les plumes, les pavillons, les sacs de médecine et les prières sont des éléments essentiels des lois des Autochtones, laquelle est « propre au peuple ».

Cet élément est clairement ressorti d’une affaire de la Colombie-Britannique à laquelle elle a pris part, qui mettait en cause un fournisseur d’énergie provincial et une importante société de pipeline.

« Un membre de la communauté touché par ce projet a confronté le promoteur, lui disant “Vous êtes sur mon territoire de piégeage. Ce territoire appartenait à ma famille bien avant que vous arriviez et ce sera toujours le cas bien après que vous serez parti”. »

Les parties ont célébré et prié ensemble pendant plusieurs mois, mais une relation a été construite et un règlement a fini par être conclu.

« Non seulement cette famille a-t-elle été indemnisée, mais nous avons pu mettre de l’avant les complexités de notre nation », dit Me Jackson. 

La confiance et le respect en cadeau

Une façon significative de démontrer du respect lors de négociations avec les communautés autochtones consiste à recourir à la tradition d’offrir du tabac. Il peut être offert lorsqu’on demande de l’aide, des conseils ou une protection. C’est vu comme un contrat ou un accord sincère, qui lie les parties quant à leurs rôles et à leurs obligations.

« J’ai dû intervenir dans une affaire et poser des questions sur la pratique, en tant que non-membre de la nation. Je l’ai fait avec un grand chef », dit Me Douglas. 

« Il a accepté mon tabac, je me suis donc senti à l’aise d’appliquer la pratique. Je ne voulais pas me mêler des affaires d’une autre nation si je n’avais pas la permission. »

Eric Fisher, codirecteur exécutif de la Wabaseemoong Child Welfare Authority, a fait écho à ce sentiment.

« Nous ressentons de la fierté lorsque nous recevons du tabac. C’est la première chose qu’on offre aux ancêtres et aux esprits », dit-il. 

« Cela signifie que la personne est digne de confiance et que je peux lui parler librement. » 

Assumer une responsabilité éthique 

En apprendre davantage sur les lois des Autochtones et la façon dont elles s’intègrent au droit autochtone n’est pas seulement précieux, c’est essentiel – que vous soyez autochtone ou pas. La reconnaissance et le respect de son importance sont une étape cruciale.

« Il faut laisser son égo de côté et ne pas se sentir attaqué », dit Me Morrison. 

« Il faut comprendre que, lorsque des personnes non autochtones viennent dans nos communautés, elles sont accueillies avec de la méfiance. Il en est ainsi parce que les personnes non autochtones sont venues par le passé pour exploiter nos ressources. Il faut donc être conscient de ces sentiments. »