Les résultats mitigés de la subvention salariale
Les PME nagent dans l’incertitude quant à leur admissibilité et aux exigences de diminution des revenus en vertu de la Subvention salariale d’urgence du Canada.
Un sondage en ligne à accès contrôlé réalisé par la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante (FCEI) auprès de ses membres en janvier 2021, qui a produit plus de 4 000 réponses, suggère que jusqu’à 239 000 entreprises pourraient disparaître au Canada directement en raison de la pandémie de COVID-19. Les résultats du sondage révèlent que le pourcentage d’entreprises à risque de fermer est plus élevé en Alberta que la moyenne de toutes les autres provinces. Face à une récession économique et à de faibles prix du pétrole et du gaz, les petites et moyennes entreprises en Alberta avaient déjà des difficultés avant la pandémie qui a ajouté aux difficultés financières de la province et les a exacerbées en 2020. Avec l’annonce de mesures d’allègement de l’impôt fédéral sur le revenu, la population de l’Alberta espérait que de tels programmes pourraient ressusciter l’économie qui battait de l’aile et fournir un soutien bien nécessaire pour permettre aux entreprises locales de demeurer opérationnelles. Malheureusement, les résultats sont mitigés.
Le 27 mars 2020, le programme de Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC) a été inauguré pour apporter un soutien aux entreprises canadiennes admissibles dont les revenus avaient considérablement diminué en raison de la pandémie. Dans le cadre du programme, les demandeurs admissibles recevaient des versements fédéraux pour compenser le coût des employés et couvrir une portion de leurs salaires. En janvier 2021, la SSUC était le programme fédéral de soutien le plus utilisé tant en Alberta qu’à l’échelle nationale, aux dires de Keyli Kosiorek, analyste de politiques principale au sein de la FCEI.
Eu égard à l’état de l’économie albertaine avant la pandémie, il n’est peut-être pas surprenant qu’un sondage réalisé par la FCEI en octobre 2020 auprès de presque 500 sociétés ait révélé qu’un nombre supérieur à la moyenne nationale de propriétaires de petites entreprises en Alberta s’appuyaient sur la SSUC. Le Business Council of Alberta signale que compte tenu de la taille de sa population, l’Alberta reçoit la plus grande part du soutien fourni par la SSUC : « si toutes les provinces se trouvaient sur un pied d’égalité, l’Alberta aurait reçu environ 12 % du soutien au titre de la SSUC, soit l’équivalent de sa part de l’emploi à l’échelle nationale. Cependant, selon les données disponibles les plus récentes, l’Alberta reçoit 16 % du total des contributions de la SSUC. Cela signifie que l’Alberta reçoit 31 % de plus que sa “part prévue” de la SSUC ».
En réponse à l’utilisation de la SSUC et autres programmes d’aide, les conseillers fiscaux et juridiques ont dû examiner la législation en temps réel et faire la synthèse de leurs conditions et exigences pour aider leurs clients à recevoir les injections de fonds vitales dès que possible. Alisha Mawji est cofondatrice de altruWisdom, une jeune entreprise de Calgary qui propose une plateforme en ligne pour aider la population canadienne à prendre des décisions financières. Elle a souligné qu’entre mars et mai 2020, sa plateforme a subi une avalanche de demandes de conseils concernant la SSUC. Elle a indiqué que la question la plus souvent posée par les clients était celle visant à savoir s’ils satisfaisaient aux exigences d’admissibilité à la SSUC. C’était plus particulièrement les petites entreprises et les professionnels constitués en société qui hésitaient quant aux exigences d’admissibilité et de calcul de la diminution des revenus.
D’ailleurs, pour certains, les avantages de la SSUC étaient limités, voire inexistants, étant donné que des coûts supplémentaires, y compris les loyers, les dettes en souffrance, le nombre restreint de ventes et les inventaires plus importants, avaient échappé à leur contrôle. En avril 2020, 314 organisations sans but lucratif et organismes caritatifs ont rédigé une lettre adressée au gouvernement canadien pour demander que la SSUC soit disponible même s’il n’est pas satisfait à l’exigence d’admissibilité fondée sur une perte de revenu de 30 % puisqu’une exigence d’une telle rigueur sonnerait le glas d’organisations sans but lucratif et d’organismes caritatifs qui devraient fermer leurs portes définitivement. Bien que les exigences du programme aient ultérieurement été assouplies, nombreux sont ceux qui ont malgré tout renoncé à présenter une demande de SSUC étant donné sa complexité et le dédale de ses exigences.
En septembre 2020, des conseillers fiscaux et le secteur commercial ont fustigé publiquement la gestion du programme de SSUC, l’Agence du revenu du Canada (ARC) qui effectuait de nombreuses vérifications des demandeurs de la SSUC imposant des pressions inutiles sur des entreprises déjà en difficultés. De complexes demandes d’information caviardées étaient distribuées sur LinkedIn, soulignant le lourd fardeau constitué par les demandes de l’ARC et les délais serrés imposés par le fisc. Un organisme de bienfaisance enregistré de Calgary, qui avait choisi de demeurer anonyme, disait : « nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d’engager des conseillers fiscaux ou de consacrer des ressources à la compréhension des règles complexes et nous craignions les pénalités ou autres répercussions en cas de méprises quant aux exigences ».
Quoi qu’il en soit, le programme d’aide fédéral semble bien ancré. Non seulement a-t-il été prolongé jusqu’en juin 2021, mais l’ARC a annoncé une modification du formulaire T4 pour les employeurs. Tous les employeurs canadiens seront tenus de déclarer les dépenses d’emploi et les versements rétroactifs au titre de la SSUC sur le formulaire T4, État de la rémunération, pour aider à effectuer le suivi des paiements. Alors que le programme de SSUC de 16 mois se poursuit, il va sans aucun doute susciter des controverses et avoir des répercussions mitigées sur les entreprises albertaines.