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Gare à la portée des modifications à la Loi sur les armes à feu

La Section du droit pénal de l’ABC estime que le projet de loi C-21 doit être en partie revu pour mieux servir ses objectifs.

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La Section du droit pénal de l’Association du Barreau canadien appuie le contrôle des armes à feu en général, ainsi que les objectifs du projet de loi C-21. Mais comme elle l’explique dans une lettre adressée au président du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, certaines dispositions du projet de loi devraient être révisées pour mieux servir les objectifs.

Demande ex parte

Parmi ces dispositions se trouve celle qui autoriserait « toute personne » à présenter une demande ex parte en vue d’obtenir d’urgence une ordonnance d’interdiction d’armes à feu. Cette demande pourrait être anonyme, l’audience pourrait être privée et l’objet de la demande n’aurait aucune possibilité d’être entendu en cour.

Dans son état actuel, la loi autorise les policiers à demander un mandat de saisie d’une arme à feu dans certains cas de figure. Elle les autorise également à saisir une arme à feu sans mandat lorsqu’il serait peu faisable d’en obtenir un à temps ou en cas d’omission de présenter un permis ou une autorisation. Une telle saisie entraîne la révocation d’office des permis et des autorisations, mais le propriétaire de l’arme ne peut faire l’objet d’une ordonnance d’interdiction avant d’avoir eu son audience au tribunal.

La section estime que les modifications proposées dans le projet de loi C-21 « représentent un risque pour la sécurité publique et un risque disproportionné pour les groupes marginalisés ». Elle soutient que la loi actuelle contient des pouvoirs suffisants pour atteindre l’objectif de saisir des armes soupçonnées d’avoir été utilisées dans un crime ou de les retirer des mains de personnes considérées comme un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

Alertes malveillantes et autres préoccupations

La section craint que le projet de loi C-21 n’empêche quiconque d’envoyer des policiers à l’adresse d’une autre personne pour de faux motifs, une pratique communément appelée « alerte malveillante », affirmant qu’il y a des armes sur les lieux. « La mise à exécution d’un mandat en lien avec des armes à feu se fait habituellement dans un contexte tendu, à risque élevé, où des policiers débarquent en masse et lourdement armés chez quelqu’un, écrit la section. Ces dispositions pourraient être maniées comme arme par un quidam peu scrupuleux désirant se venger. »

Il ne s’agit pas d’un exemple théorique, comme on l’a vu récemment à London, en Ontario, quand une personnalité transgenre des médias sociaux a fait l’objet de cette tactique. « Quelqu’un se faisant passer pour elle en ligne a envoyé un courriel de menaces accompagnées d’une photo d’arme à feu à des conseillers municipaux de London, relate la lettre. Les policiers sont intervenus : ils se sont présentés à sa porte lourdement armés et l’ont arrêtée en la tenant en joue. »

Parmi les problèmes possibles découlant des plaintes secrètes, la section attire l’attention sur les conséquences potentiellement catastrophiques d’une fausse accusation criminelle : une peine d’emprisonnement, la perte d’un emploi ou un casier judiciaire, par exemple. « La personne faisant l’objet de la plainte n’a pas de recours pour connaître l’identité du plaignant, ce qui l’empêche de préparer une bonne défense, explique la lettre. C’est particulièrement vrai dans les cas de fausse accusation motivée par l’animosité personnelle ou par un sentiment raciste ou haineux. » Les membres de ces groupes haineux ou racistes seraient protégés contre les enquêtes, ce qui ne pourrait que conduire à davantage d’abus.

Droits des Autochtones

Autre préoccupation : les dispositions prévues ne tiennent pas compte des droits de chasse des particuliers autochtones qui pourraient faire l’objet d’une demande ex parte.

La section recommande de supprimer la référence à « toute personne » dans la présentation d’une demande ex parte. Le projet de loi devrait plutôt permettre à toute personne de déposer une plainte auprès de la police, laquelle pourra alors enquêter et éventuellement présenter une demande d’ordonnance d’interdiction d’arme à feu. La section recommande également « que les droits de chasse ancestraux des Autochtones et les antécédents du sujet visé par une ordonnance d’urgence d’interdiction d’arme à feu soient considérés comme un facteur dans l’audition d’une procédure fondée sur l’article 110.1 ».

Autres enjeux

Les modifications proposées à la Loi sur les armes à feu considéreraient toute personne qui fait ou a fait l’objet d’une ordonnance de protection comme ne pouvant être titulaire d’un permis de possession d’arme à feu. Une telle ordonnance pourrait prendre la forme d’une ordonnance interdictive, d’une ordonnance de protection d’urgence ou d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Bien que la section appuie l’objectif de protéger les victimes de violence familiale, elle considère que les modifications proposées ont une portée trop vaste. « [L]e libellé de l’article 6.1 est rigide, et ferait que de nombreux citoyens canadiens perdraient leur permis de possession d’arme à feu sans égard au contexte d’une ordonnance de protection antérieure ni la possibilité de faire réviser la décision les déclarant inaptes au permis », résume la lettre.

Le projet de loi C-21, enfin, érigerait en infraction le fait de « représenter la violence contre une personne, de conseiller d’y avoir recours ou d’en faire la promotion dans une publicité sur les armes à feu ». La section souligne que le texte proposé est trop restrictif et pourrait ériger en infraction une publicité « montrant une façon légitime d’utiliser une arme à feu, notamment l’autodéfense, ou la description de l’historique d’une arme à feu ». Des exceptions devraient être prévues dans le projet de loi pour permettre une publicité moins restrictive des armes à feu pour l’industrie cinématographique et les forces armées et policières.