Trop, trop vite
Le Comité mixte sur la fiscalité de l’ABC et de CPA du Canada émet des réserves sur l’avant-projet de loi abordant les dispositifs hybrides.

Des propositions législatives relatives à la Loi de l’impôt sur le revenu abordant les dispositifs hybrides ont été déposées en avril. Le Comité mixte sur la fiscalité de l’Association du Barreau canadien et de Comptables professionnels agréés du Canada a commenté, dans un mémoire (disponible uniquement en anglais; les citations qui en sont tirées sont des traductions) à l’attention de Finances Canada, plusieurs éléments clés de ces propositions.
Le gouvernement du Canada définit les dispositifs hybrides comme des « dispositifs d’évitement fiscal transfrontaliers qui exploitent des différences dans le traitement fiscal d’entités commerciales ou d’instruments financiers entre au moins deux pays ». Dans son budget 2021, il s’était engagé à adopter des lois pour lutter contre ces dispositifs. Le premier projet de loi a été déposé à la fin d’avril 2022. Les commentaires les plus pertinents du Comité mixte sont résumés ci-dessous.
Prise d’effet
Le Comité mixte constate que même si le budget 2021 permettait un délai de plus de six mois entre la présentation du projet de loi et sa prise d’effet, celui-ci a été déposé le 29 avril 2022 et entrait en vigueur le 1er juillet 2022. Le Comité mixte note aussi que l’échéance pour les mémoires était la veille de la prise d’effet du projet de loi. « Cette courte période de commentaires n’est peut-être pas suffisante pour que les parties intéressées fassent des observations judicieuses sur le projet de loi ou que les contribuables concernés restructurent leurs activités pour se conformer à la loi », peut-on lire dans la lettre. (Même si le Parlement n’avait pas encore adopté la loi lorsque la lettre a été écrite, le projet de loi prévoyait l’application des nouvelles règles aux paiements effectués ou considérés comme l’ayant été le 1er juillet 2022 ou après.)
Reconnaissance de la retenue d’impôt étranger
Le projet de loi ne permettra aucune déduction pour les retenues d’impôt étranger sur un dividende reçu par une société résidant au Canada d’une société étrangère affiliée de la société. Dans la lettre, on mentionne que « cela semble inapproprié considérant que la réduction du dividende dans le pays étranger (qui nécessitera l’application du paragraphe 113(5) proposé) ne réduira généralement pas la retenue d’impôt sur ledit dividende ». Cela pourrait même, dans certains cas, mener à une double imposition. Le Comité mixte recommande donc de modifier le paragraphe 113(5) pour que soient autorisées les déductions majorées pour de telles retenues d’impôt.
Application aux sociétés étrangères affiliées
Il n’est pas clair si le projet de loi s’applique aux opérations impliquant des sociétés étrangères affiliées à des contribuables canadiens. Le Comité mixte recommande que la « disposition 95(2)(f.11)(ii)(A) exclue l’application des articles 12.7 et 18.4 du calcul du revenu d’une société étrangère affiliée tiré d’un bien, d’une entreprise autre qu’une entreprise active et d’une entreprise non admissible ». Une modification du même ordre devrait être apportée à la définition de « gains » au paragraphe 5907(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu.
Définitions de « revenu ordinaire »
Dans sa lettre, le Comité mixte détaille plusieurs de ses réserves quant au libellé de ces définitions. De façon générale, il recommande « qu’elles soient clarifiées de manière à ce que les inclusions en lien avec un montant donné ne soient pas annulées en raison de déductions ou d’autres allègements découlant d’autres paiements, c’est-à-dire de paiements autres que ceux donnant lieu aux montants inclus ».
De plus, la définition de « revenu ordinaire étranger » devrait être plus précise en ce qui a trait aux entités exonérées d’impôt, soit celles se trouvant dans un territoire qui ne leur impose aucun impôt ou un territoire où elles sont imposées à un taux inférieur aux particuliers et aux autres entités.
Règle de minimis
Le projet de loi propose un seuil minimum qui pose problème, puisqu’il pourrait mener à une double imposition. Il ne contient aucune autre règle de minimis plus générale, ce qui constitue un autre élément préoccupant. Le Comité mixte propose de réduire les frais et le fardeau administratif de l’Agence du revenu du Canada et des contribuables en remplaçant la règle de minimis actuelle par une « exclusion de minimis plus générale pour les petits montants de l’asymétrie hybride », ce qui permettrait aux administrations fiscales de cibler plus efficacement les dispositifs préoccupants.
Interaction avec d’autres règles
Comme le mentionne le Comité mixte, les règles d’asymétrie hybride proposées « sont un ensemble détaillé et complexe de règles pouvant influer de façon fondamentale sur le traitement de dispositifs d’instruments financiers, d’opérations et d’autres dispositifs à des fins d’impôt au Canada ». C’est pourquoi il est primordial de réfléchir mûrement à leurs conséquences possibles sur d’autres dispositions de la loi. Dans sa lettre, le Comité mixte expose quelques éléments préoccupants : le régime de RDEIF, qui est présentement révisé et qu’il a déjà commenté, les règles de capitalisation et les règles sur les générateurs de crédit pour impôt étranger.