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Mesures ciblées pour favoriser la concurrence

La Section du droit de la concurrence et de l’investissement étranger de l'ABC ne croit pas qu’il y a lieu de modifier en profondeur la Loi sur la concurrence.

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De l’avis de la Section du droit de la concurrence et de l’investissement étranger de l’ABC, tout examen de la Loi sur la concurrence du Canada, en tant qu’élément crucial pour la reprise économique et la prospérité future du Canada, doit être rigoureux, reposer sur les faits et tenir compte de son application dans les secteurs public et privé.

Dans sa lettre (cette lettre, ainsi que celle citée ci-dessous au sénateur, n’est disponible qu’en anglais; toutes les citations qui en sont tirées sont des traductions) à François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, la section souligne à quel point il est important « que les modifications soient proposées dans un projet de loi portant modification spécifiquement à la Loi sur la concurrence plutôt que dans un projet de loi omnibus, pour permettre une étude parlementaire adéquate ».

Comme l’explique la section dans une autre lettre au sénateur Howard Wetston, « la manière dont la loi est appliquée est tout aussi essentielle à la santé du régime de concurrence que le cadre législatif lui-même ».

Dans cette lettre, la section de l’ABC présente ses points de vue préliminaires sur un article du professeur Edward M. Iacobucci intitulé « Examen de la Loi sur la concurrence au Canada à l’ère numérique », article commandé par le sénateur Wetston sur la question de savoir si les caractéristiques particulières des marchés numériques justifieraient une modification en profondeur de la Loi sur la concurrence.

Un examen périodique de la Loi pour évaluer la pertinence d’une réforme est souhaitable, tout comme l’application d’une optique concurrentielle aux politiques publiques d’ensemble en vue de stimuler l’efficacité et l’innovation. « Cependant, modifier de but en blanc les objectifs de fond de la législation sur la concurrence exige un débat réel et de vastes consultations publiques, car ces changements pourraient avoir d’importantes répercussions sur l’économie canadienne », prévient la section.

Voici un résumé des observations formulées par la section au sujet de l’article de M. Iacobucci.

Accords entre acheteurs, fixation des salaires et accord de non-maraudage

Les accords entre acheteurs sont des ententes sur les coûts d’exploitation, notamment la main-d’œuvre. La section rappelle qu’après une vaste consultation en 2009, le Parlement a délibérément exclu les accords entre acheteurs de l’article 45 de la Loi sur la concurrence, qui criminalise la fixation des prix et d’autres types d’accords entre concurrents. Ils sont plutôt considérés comme « une pratique examinable dont les effets concurrentiels peuvent être évalués ».

Dans son article, M. Iacobucci soutient que l’article 45 devrait être modifié de manière à s’appliquer à tous les accords entre acheteurs, que leurs effets sur la concurrence et l’économie soient négatifs, neutres ou positifs.

« La section de l’ABC est d’avis que la disposition sur les pratiques susceptibles d’examen énoncée à l’article 90.1 constitue un cadre approprié pour l’examen des accords entre acheteurs », dit-on dans la lettre, car cela « permet une évaluation nuancée, modulée d’après les faits, des répercussions d’un accord donné, ce qui vaut mieux que l’aveugle coup de massue qu’on donne en criminalisant la chose. »

La défense fondée sur les gains en efficience

La défense fondée sur les gains en efficience prévue à l’article 96 de la Loi admet l’exécution d’une fusion anticoncurrentielle quand les gains en efficience l’emportent sur les effets anticoncurrentiels. Dans son article, M. Iacobucci affirme qu’il faudrait abolir l’obligation pour le Bureau de la concurrence de quantifier les effets anticoncurrentiels quand l’article 96 est invoqué.

Or ce changement, estime la section, est susceptible de rendre cette défense moins objective et de créer de l’incertitude pour les parties à une fusion quant aux critères qu’elles doivent remplir. À l’heure actuelle, la Loi « exige, comme l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Tervita, que les effets anticoncurrentiels et les gains en efficience soient quantifiés chaque fois qu’il est possible de le faire, et qu’il soit aussi tenu compte de l’aspect qualitatif de ces effets et gains », écrit la section, avant d’ajouter que toute modification qui aurait pour effet de restreindre la défense fondée sur les gains en efficience devrait d’abord faire l’objet d’une étude prudente.

Abus de position dominante

Il y a abus de position dominante lorsqu’une entreprise ou un groupe d’entreprises en position dominante se livre à des activités anticoncurrentielles qui ont (ou auront probablement) pour résultat d’étouffer la concurrence ou d’en diminuer la présence sur un marché.

Traitant de ce sujet, l’article 79 de la Loi nécessiterait une réévaluation, croit la section, « en raison de son importance pour les questions de concurrence dans l’économie numérique et de son rôle comme pièce maîtresse de la loi sur la concurrence applicable à tous les secteurs ». La section recommande toutefois que tout projet portant modification importante soit étudié méticuleusement « en raison des possibles répercussions sur l’ensemble de l’économie canadienne ».

En somme, et d’autant plus que cela concerne les grandes sociétés technologiques, la section de l’ABC estime qu’il vaudrait mieux « mettre en place une réglementation indépendante de la Loi qui ciblerait spécifiquement certains marchés dont la structure peut, en des circonstances exceptionnelles, justifier une modification pour la protection des consommateurs contre des comportements précis, de préférence à une modification de la Loi, qui constitue un cadre législatif pour l’ensemble des secteurs ». Procéder autrement créerait un risque important d’engendrer des conséquences involontaires « pour le vaste ensemble des industries où ces problèmes sont absents ».