Laisser les ressortissants étrangers travailler
Ceux qui ne peuvent rentrer au pays en raison de conditions dangereuses devraient être autorisés à demander un permis de travail.

Les ressortissants étrangers qui n’ont pas de statut au Canada, mais qui ne peuvent retourner dans leur pays de nationalité en raison de conditions dangereuses, devraient être autorisés à demander un permis de travail s’ils ne font pas l’objet d’une mesure de renvoi. C’est ce qu’affirme en substance une lettre (disponible uniquement en anglais; les citations qui en sont tirées sont des traductions) adressée au ministre de l’Immigration, Sean Fraser, par la Section du droit de l’immigration de l’Association du Barreau canadien.
L’article 206 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés énonce les conditions d’admissibilité au permis de travail pour les ressortissants étrangers sans autre moyen de subsistance : une demande d’asile doit avoir été déférée à la Section de la protection des réfugiés, et lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de renvoi qui ne peut être exécutée.
Le problème, explique la section, est que « de nombreux ressortissants étrangers qui, en l’absence d’une demande d’asile ou d’une mesure de renvoi inexécutable, ne peuvent demander un permis de travail sont par ailleurs incapables de rentrer dans leur pays, car celui-ci figure sur la liste des suspensions temporaires des renvois ou des sursis administratifs aux renvois ».
Cette liste regroupe des pays qui présentent un risque pour sa population en raison d’un conflit armé, d’une catastrophe environnementale ou toute autre situation temporaire et généralisée.
Il se peut qu’un pays demeure sur cette liste pendant des décennies par suite d’un conflit prolongé ou d’une crise humanitaire. « Les personnes non admissibles à un permis de travail ne peuvent gagner leur vie, ce qui les place dans une situation difficile, tant sur le plan juridique que pratique, si elles ne peuvent ou ne veulent pas quitter le Canada », peut-on lire dans la lettre. Ces personnes sont en effet souvent obligées de choisir entre un travail non autorisé et l’assistance sociale – si la province dans laquelle elles résident offre l’assistance sociale aux étrangers sans statut, ce qui s’avère une situation exceptionnelle.
Les femmes sont particulièrement vulnérables, souligne la section, « car elles sont plus susceptibles de subir du harcèlement sexuel. Travailler “au noir” limite les possibilités d’emploi et tend à maintenir les ressortissants étrangers dans des emplois subalternes et ardus qui sont physiquement et mentalement épuisants ».
Afin de remédier à cette situation, la section suggère d’ajouter l’alinéa c ci-dessous à l’article 206 du Règlement.
206 (1) Un permis de travail peut être délivré à l’étranger au Canada en vertu de l’article 200 si celui-ci ne peut subvenir à ses besoins autrement qu’en travaillant et si, selon le cas :
a) sa demande d’asile a été déférée à la Section de la protection des réfugiés mais n’a pas encore été réglée;
b) il fait l’objet d’une mesure de renvoi qui ne peut être exécutée;
c) il est citoyen d’un pays pour lequel le ministre a imposé une suspension temporaire de renvoi ou un sursis administratif de renvoi.
Permettre à ces ressortissants étrangers de travailler légalement au Canada n’empêcherait pas leur éventuelle expulsion, « puisque les permis de travail délivrés en vertu de l’article 206 ne confèrent pas le statut de résident temporaire », ajoute la section. Mais cela corrigerait un oubli malheureux du Règlement qui condamne régulièrement à la pauvreté, aux abus et à l’exploitation de nombreuses personnes qui ne peuvent retourner dans leur pays pour des raisons indépendantes de leur volonté.