Les données seront-elles faussées?
Il faut clarifier le statut des travailleurs de la "gig economy" et attendre le retour à la normalité avant de consulter la population sur l’équilibre entre la vie professionnelle en ligne et la vie personnelle.

Le gouvernement du Canada souhaite mieux comprendre les réalités des travailleurs dans les secteurs visés par la réglementation fédérale, plus particulièrement ceux qui participent à la soi-disant « gig economy » (économie des petits boulots), et l’équilibre entre leur vie professionnelle en ligne et personnelle. La Section du droit du travail et de l’emploi de l’Association du Barreau canadien est favorable à la modification du Code canadien du travail afin de clarifier le statut des travailleurs à la demande, mais souhaite que le gouvernement n’effectue les consultations sur le droit à la déconnexion qu’une fois la pandémie terminée.
Dans son mémoire (disponible uniquement en anglais, toutes les citations sont des traductions), la section recommande de modifier le Code « pour fournir une plus grande clarté et certitude quant au statut des travailleurs à la demande » (gig workers). Bien qu’il n’existe aucune définition claire d’un travailleur à la demande, nous considérons généralement qu’il s’agit d’une personne qui réalise des tâches par le truchement d’applications ou de plateformes qui paient pour chaque tâche accomplie. C’est le cas des chauffeurs Uber, des livreurs Instacart ou des personnes qui proposent des services de réparation à domicile au moyen d’une plateforme comme TaskRabbit, qui relèveraient, à titre d’exemple, de la compétence provinciale.
Ces travailleurs « ne bénéficient pas de la certitude fournie par un contrat d’emploi à long terme, dit la section. Ils n’ont généralement ni horaire de travail ni revenu prévisible. » Ils ne sont pas non plus indépendants comme le sont les entrepreneurs traditionnels puisqu’ils dépendent d’applications ou de plateformes pour obtenir leur travail.
Le fait de savoir à quelle catégorie appartiennent les travailleurs fait une différence puisque « la classification des travailleurs à la demande en tant que travailleurs dépendants plutôt que travailleurs indépendants peut signifier qu’ils ont le droit de se syndiquer et de bénéficier des protections conférées par les normes de travail », souligne la section.
Dans son état actuel, le Code comprend les travailleurs dépendants dans sa définition des employés, mais il est plus restrictif que certaines lois provinciales. « Le Code canadien du travail devrait être plus clair et fournir une plus grande certitude quant au statut des travailleurs à la demande. Les travailleurs doivent connaître les protections et les droits qui sont disponibles lorsqu’ils acceptent un travail et les employeurs doivent connaître leurs obligations et options lorsqu’ils établissent et proposent un travail », dit la section.
Droit à la déconnexion
Reconnaissant que la technologie a estompé la séparation traditionnelle entre être « au travail » et « à la maison », le gouvernement fédéral a lancé des consultations pour mieux comprendre les réalités des travailleurs des secteurs sous réglementation fédérale. Il souhaite connaître la fréquence à laquelle les travailleurs ont du mal à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle, et s’ils ont des difficultés à se déconnecter du travail lorsqu’ils sont sensés ne pas travailler.
La section de l’ABC apprécie le fait que le gouvernement fédéral souhaite protéger le bien-être des travailleurs. Cependant, elle considère que la consultation sur le droit à la déconnexion ne devrait être effectuée qu’une fois la pandémie terminée.
Nombreuses sont les personnes qui travaillent actuellement chez elles, où il peut être plus difficile de trouver cet équilibre, particulièrement pour celles qui s’occupent d’enfants en bas âge ou supervisent la scolarisation à distance d’enfants dont la cuisine est devenue la salle de classe. Nous vivons, dit la section, une époque sans précédent, et trouver le moyen de se déconnecter est sans aucun doute beaucoup plus difficile que cela ne le serait en temps normal.
« Effectuer une consultation sur ce point maintenant générera probablement des résultats faussés puisque les commentaires et les données seront liés à la situation actuelle de travail pendant la pandémie plutôt qu’à l’expérience professionnelle habituelle, écrit la section. La mise en œuvre de changements qui reflètent les résultats d’une consultation effectuée en période de pandémie pourrait produire des conséquences imprévues. Même après la fin de la pandémie, il faudra du temps pour que les lieux de travail trouvent une nouvelle forme de normalité. Nous pensons que le processus de consultation devrait être différé jusqu’à ce que cette nouvelle normalité soit implantée. »