Permis de travail liés à une profession donnée
Un nouveau programme visant les travailleurs étrangers temporaires ne corrigera pas les problèmes de l’ancien.
Quand la roue est branlante, il faut la réparer, et non la réinventer.
C’est là l’esprit de la réponse de la Section du droit de l’immigration à un avis publié dans la Gazette du Canada au sujet de la proposition d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et d’Emploi et Développement social Canada de modifier la réglementation pour autoriser la délivrance de permis de travail liés à une profession donnée à des travailleurs étrangers temporaires.
Dans son mémoire, la Section fait valoir qu’au lieu de créer un nouveau programme, le gouvernement devrait tâcher d’améliorer les services actuels :
« Si le but de ce permis est d’aider les travailleurs étrangers temporaires à changer d’employeur plus facilement et rapidement, nous recommandons au gouvernement de s’employer à améliorer les délais de traitement pour la délivrance de nouveaux permis de travail plutôt que de créer un nouveau programme, ce qui nécessiterait des ressources considérables et pourrait avoir des conséquences imprévues et faire augmenter le risque d’abus. »
Cela dit, bien qu’elle s’oppose à la proposition, la Section a suggéré des moyens de l’améliorer advenant que le gouvernement y donne suite.
Ce permis éliminerait certains obstacles à la mobilité, mais pas tous; par exemple, les travailleurs étrangers temporaires ne pourraient accepter que les offres d’employeurs ayant en main une étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) valide, et ces employeurs pourraient s’avérer difficiles à trouver.
« Il faut exiger une EIMT pour empêcher les employeurs d’utiliser ce permis afin de contourner d’autres règles du Programme des travailleurs étrangers temporaires ou de créer de la concurrence pour les chercheurs d’emploi canadiens », observe la Section.
Néanmoins, un travailleur étranger temporaire pourrait être plus enclin à quitter une situation d’emploi abusive si un régime comme celui proposé éliminait l’obligation d’obtenir un permis de travail distinct, et s’il y avait une manière bien définie de trouver un nouvel employeur répondant à l’exigence d’EIMT.
Il faudrait toutefois que le gouvernement offre une ressource qui permettrait aux travailleurs étrangers temporaires de savoir facilement si le nouvel employeur a obtenu l’EIMT. La Section a formulé plusieurs suggestions à cet égard, notamment la création d’une base de données servant à jumeler ces travailleurs et employeurs, et l’inclusion de diverses langues dans les communications destinées aux travailleurs.
« Le gouvernement devrait aussi envisager de mettre sur pied un service de liaison indépendant pour tous les volets du Programme autres que ceux du secteur agricole saisonnier et des postes à bas salaire, service comportant des fonctions semblables à celles des agents de liaison consulaires du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, précise la Section. Un bureau de liaison indépendant aurait le mandat d’offrir des services de résolution de conflits, de contribuer à la surveillance générale du Programme (ce qui comprend l’approbation des transferts) et d’assurer un soutien aux communications pour aider les travailleurs qui souhaitent changer d’emploi. »
Pour les employeurs, le grand inconvénient du permis proposé est qu’ils risqueraient davantage de perdre le temps et l’argent consacrés à l’embauche de travailleurs étrangers temporaires. La Section indique qu’un employeur du secteur agricole, par exemple, paierait entre 8 000 $ et 12 000 $ en coûts découlant de leurs obligations au titre du Programme.
« Un employeur pourrait investir gros dans l’EIMT pour que finalement, la personne embauchée parte travailler ailleurs peu après. Les coûts élevés à assumer pourraient mettre certains employeurs en faillite, surtout les petits employeurs qui paient pour le transport, le recrutement et la formation des travailleurs. »
Il serait possible d’atténuer ces pertes en fixant une période où les travailleurs étrangers temporaires ne peuvent chercher de nouvel emploi; la Section recommande six mois. Et si un employeur venait débaucher un travailleur en lui promettant un meilleur salaire, il faudrait l’obliger à rembourser au premier employeur, en tout ou en partie, ce qu’il a payé de sa poche (droits exigés pour le permis de travail, transport, recrutement).
La Section suggère aussi des changements au processus de délivrance des permis pour favoriser la mobilité des travailleurs, à commencer par l’accélération du traitement des demandes.
« L’un des obstacles actuels à la mobilité des travailleurs étrangers temporaires est le temps de traitement pour les nouvelles EIMT et les nouveaux permis. Si l’on suppose que l’employeur a déjà fait faire une EIMT globale ou peut en obtenir une, il devrait y avoir une manière facile d’y ajouter un nom en 48 à 72 heures ouvrables. Qui plus est, nous recommandons que le gouvernement trouve de nouvelles façons de faire modifier un permis de travail. Conduire jusqu’à une frontière pour “faire le tour du poteau” ne devrait pas être l’une des premières solutions de rechange à la demande en ligne. »