L’apprentissage au temps de la COVID
L’Université du Manitoba établit la toute première clinique de droit des affaires entièrement virtuelle pour aider les entreprises en démarrage locales.
À l’automne 2020, à l’orée d’une nouvelle année universitaire par écran Zoom interposé, des juristes soucieux se sont demandé comment ils pourraient aider les étudiants à acquérir l’expérience pratique dont ils ont besoin pour entamer une carrière avec confiance malgré l’incapacité à recourir aux options habituelles.
Depuis 2014, la clinique de droit des affaires Kerry Vickar Business Law Clinic (site uniquement en anglais) de l’Université du Manitoba a donné aux étudiants et étudiantes la possibilité d’acquérir des compétences pratiques en travaillant sur des dossiers réels aux côtés de cabinets juridiques de Winnipeg sous la tutelle et avec le mentorat de juristes expérimentés. En période de pandémie, il allait de soi que cette option n’était pas viable.
David Asper, doyen par intérim, était déterminé à trouver un moyen de donner à la promotion 2020-2021 les mêmes chances que celles dont avaient bénéficié les promotions antérieures. Peu de temps avant les vacances de Noël, la directrice des projets spéciaux, Lisa Fainstein et l’avocat chevronné Nick Slonosky, ont communiqué avec le Stu Clark Centre for Entrepreneurship et avec Joelle Foster, de North Forge Technology Exchange (site uniquement en anglais), un incubateur et accélérateur d’entreprises, et dès janvier ils avaient établi et ouvert une clinique de droit des affaires pour les entreprises en démarrage qui fonctionne entièrement virtuellement.
« Tout s’est passé incroyablement rapidement », s’esclaffe Lisa Fainstein.
Normalement, la clinique de droit des affaires qui fonctionne en présentiel ne comporte qu’une douzaine d’étudiants et étudiantes. Cette année, trois fois plus se sont inscrits. Alex Philippot, l’une des étudiantes de troisième année qui s’est inscrite, apprécie le fait que la clinique en ligne lui donne une meilleure idée de ce que représente une carrière en droit commercial. « Cela a été formidable car sans cet aspect pratique, on ne sait vraiment pas à quoi s’attendre. »
North Forge a consacré trois mois l’été dernier à créer un programme en ligne pour les fondateurs d’entreprises technologiques et pour les personnes qui créent des entreprises manufacturières avancées. Ils ont constaté une augmentation de 293 % du nombre de sociétés qui souhaitent travailler avec eux. « C’est une énorme réserve de clients qu’on pourra aider, dit Joelle Foster. La plupart d’entre eux ne peuvent s’offrir des conseils juridiques, malgré le besoin qu’ils en ont. Ces fondateurs ignorent bien des aspects du système juridique en ce qui concerne la création d’une entreprise dans le secteur de la technologie et même dans celui de la fabrication de pointe. »
À la nouvelle clinique en ligne, les services d’information juridique sont entièrement gratuits. « J’aime utiliser l’image selon laquelle nous n’avons ni fenêtre, ni porte, ni plancher, explique Nick Slonosky. Cependant, j’ajoute aussi que nous n’avons pas non plus dressé de barrières pour accéder à nos services. »
Les entrepreneurs et les fondateurs ont besoin de conseils sur un vaste éventail de sujets allant des questions fiscales aux permis et à la réglementation en passant par le bien-fondé de l’incorporation en personne morale. Cependant, ils ont aussi beaucoup à apporter aux personnes qui étudient le droit. « Je ne suis pas spécialiste en droit des affaires, je ne sais pas vraiment grand-chose au sujet de la création d’une entreprise, dit Alex Philippot. Il est intéressant de voir les choses sous leur angle et de découvrir les questions qu’ils se posent. » Aider les gens est un avantage supplémentaire pour les étudiants et étudiantes. « Redonner à la société a toujours été l’une de mes passions. C’est exactement ce que je veux devenir, ce que je suis. Je veux incarner ce principe », ajoute Alex Philippot.
Cette initiative n’aurait pas pu voir le jour sans les mentors, le soutien institutionnel apporté par l’université et les partenaires extérieurs tels que la société Clio (site uniquement en anglais) spécialisée en logiciels juridiques qui a mis son système de gestion de la pratique à la disposition des étudiants sans frais. « Vous traitez des renseignements confidentiels concernant l’entreprise mais aussi les personnes. Nous ne voulions pas utiliser le système de courrier électronique de l’Université du Manitoba ni celui qu’elle utilise pour stocker les données. Il nous fallait une manière sûre de manipuler ces renseignements, alors Clio nous a donné l’accès gratuit à son système de gestion de la pratique à la fine pointe du progrès. C’est tout simplement incroyable », dit Nick Slonosky.
L’apprentissage sur le tas
« Ce qui est unique à propos de ce programme, aux dires d’Alex Philippot, c’est qu’il nous permet d’utiliser toutes les connaissances que nous avons acquises au cours de nos deux premières années d’études. Vous apprenez des choses en droit fiscal, en droit de la famille et en droit des sociétés, mais tout se met en place » à la clinique où les étudiantes se penchent sur tous les différents aspects de l’entreprise et du droit et constatent leurs interactions. Voir toutes les pièces du puzzle s’imbriquer dans la réalité, c’est ça l’essence de l’apprentissage expérientiel.
Le fait d’être virtuel présente de nombreux avantages, dit Lisa Fainstein. « Pour les personnes qui étudient le droit, cela signifie qu’il n’est pas nécessaire de se déplacer pour rencontrer un client. Notre campus est situé à un bout de la ville, c’est un peu loin de là où sont implantées la plupart des entreprises. North Forge est au centre-ville. Cela veut dire des heures de déplacements si nous voulons nous y retrouver. » C’est la raison pour laquelle maints aspects de la clinique juridique demeureront virtuels une fois la pandémie reléguée au rang des souvenirs, dit-elle, puisque l’expérience de cette année « nous a réellement permis de faire davantage, de le faire à moindre frais et de le faire de manière plus efficiente ».
L’un des autres avantages peut-être un peu moins manifestes, c’est que la clinique offre aux étudiantes et étudiants, qui travaillent seuls chez eux comme la plupart d’entre nous depuis un an, une occasion de collaborer. « C’est une bouffée d’optimisme alors que les gens en ont vraiment besoin », ajoute Nick Slonosky.
Non seulement la clinique a répondu aux attentes du doyen par intérim, David Asper, mais elle les a surpassées. Les étudiants ont acquis des connaissances fondamentales, a-t-il dit. Ils ont pu collaborer entre eux et interagir virtuellement avec de vrais clients; un antidote bien nécessaire à l’isolement causé par la pandémie de COVID. « La plateforme de gestion de la pratique Clio a été présentée à nos étudiantes et étudiants, qui ont aussi découvert l’outil de communication Slack. Tous deux leur faciliteront la transition de la faculté vers leur carrière, ajoute-il. Enfin, et je le sais grâce à mes propres séances de mentorat avec eux, les étudiants et étudiantes ont commencé à considérer le droit non seulement comme un simple ensemble de règles, mais aussi comme un environnement réel et vivant dans lequel ils doivent s’orienter. »
Sans compter que Nick Slonosky et Lisa Fainstein conviennent tous deux qu’il est très amusant de pouvoir donner l’occasion aux étudiants et étudiantes d’apprendre en aidant les entreprises en démarrage. « C’est la chose la plus gratifiante que j’ai faite en plus de 40 ans de carrière, s’esclaffe Nick Slonosky. Certainement une excellente raison de briser la quiétude de la retraite. »