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C’est écrit

La rédaction est une compétence essentielle pour les juristes, mais elle est parfois prise à la légère.

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En qualité de juriste en droit pénal, Andrew Bigioni consacre une quantité de temps étonnante à la rédaction.

« Les gens s’imaginent que mon travail consiste principalement à présenter des arguments devant un tribunal. Cependant, en tant que juriste praticien, beaucoup de travail de représentation se fait par écrit, que ce soit dans des courriels destinés à un avocat de la Couronne, des courriels visant à mener des négociations ou à expliquer votre position, ou des correspondances, comme des lettres de demande de communication et des avis exigés par la Charte », affirme M. Bigiono, du cabinet Daniel Brown Law LLP de Toronto.

« Aussi, il y a les documents écrits officiels, comme les mémoires et les demandes fondées sur la Charte. »

Me Bigioni affirme que sa formation en rédaction juridique à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa lui a été utile au cours de sa carrière.

« Je ne crois pas qu’il y ait un domaine de ma pratique qui ne s’est pas développé et amélioré en raison de ma capacité à bien écrire, dit-il. Plus vous êtes en mesure d’exprimer directement et clairement vos arguments et votre position, plus vous êtes capable de défendre les intérêts de votre client. »

Virginia McRae, professeure de droit à l’Université d’Ottawa, affirme que la rédaction juridique est une compétence nécessaire pour tous les juristes.

« Les juristes ne possèdent qu’un réel outil, leur capacité à communiquer, déclare Me McRae, qui enseigne la rédaction juridique depuis 1979. Vous pouvez avoir des idées brillantes, mais si vous ne pouvez pas les expliquer clairement par écrit, alors vous ne faites pas votre travail. »

Elle croit aussi que la plupart des juristes ne pensent pas avoir un problème de rédaction.

« La plupart connaissent les mots et savent comment exprimer leurs idées, mais ils ne savent pas nécessairement comment bien s’y prendre. La rédaction doit être un programme de formation conscient, circonspect et délibéré dès le début des études à la faculté de droit, et ce, jusqu’à la fin de la carrière. »

Me McRae prodigue les conseils suivants pour améliorer la rédaction juridique :

1. Simplifier votre style, particulièrement pour les sujets complexes

Selon Me McRae, l’un des plus grands problèmes que les juristes éprouvent est lié au fait qu’ils partent du principe que le lecteur peut faire le « gros du travail » et comprendre ce qu’ils tentent de communiquer.

« Ils supposent que tout lecteur, juge ou client, a la responsabilité de tout saisir, de découvrir les messages ou de rechercher des mots dans le dictionnaire », affirme-t-elle.

Toutefois, elle est d’avis que tout juriste a la responsabilité de s’assurer que ses lecteurs peuvent comprendre le message.

« C’est au juriste, en tant que rédacteur, de veiller à ce que les moindres détails de ce qu’il écrit dans un document soient parfaitement exprimés grâce à la structure, au ton, au choix de mots. Tous ces aspects doivent permettre au lecteur de comprendre rapidement et totalement le contenu », précise-t-elle.

La clarté est particulièrement importante lorsqu’il s’agit de contenu complexe.

« Vous ne devez pas faire travailler le lecteur trop fort à deux niveaux, c’est-à-dire en ce qui a trait à la compréhension du contenu, s’il s’agit d’une affaire ardue et complexe, et à votre façon de le communiquer. Vous imposez un double fardeau au lecteur. Plus une idée est complexe, plus l’écriture doit être simple. »

2. Pratiquez, pratiquez, pratiquez

« N’ayez jamais peur d’écrire. C’est une compétence. Vous devez la travailler », dit Me McRae.

Elle affirme que la conscience de soi est essentielle.

« Vous devez être conscients de votre propre écriture. Vous devez être sans pitié avec vous-même et ne pas avoir un trop gros ego, car vous devez chercher à obtenir des commentaires intelligents. »

Par exemple, si un juriste d’expérience réécrit un de vos documents, Me McRae recommande que vous profitiez de l’occasion pour apprendre.

« Formulez des questions intelligentes : “J’ai vu que vous aviez modifié l’introduction. Qu’est-ce que j’ai manqué? Qu’est-ce que vous pouvez me dire qui m’aidera à m’améliorer? Je tiens à m’assurer de faire le meilleur travail que je peux pour vous”. »

3. Trouver des exemples de textes bien rédigés

Selon Me McRae, la lecture et l’analyse de documents juridiques bien conçus peuvent vous aider à améliorer vos compétences.

« Vous devez trouver de bons modèles, dit-elle. Vous n’allez pas copier et vous devez trouver votre voix, mais vous devez reconnaître les textes bien rédigés et commencer à examiner les éléments qui expliquent cette qualité. »

Elle recommande de réfléchir à ce qui rend une écriture attrayante, par exemple, le temps des verbes, les verbes efficaces et le choix des mots.

Me Bigioni est d’accord avec ce commentaire et recommande aux juristes de trouver de bons rédacteurs juridiques et de chercher à lire les mémoires qu’ils ont rédigés pour ensuite les utiliser comme modèle.

4. Reconnaissez la finalité de la rédaction juridique

« Chaque aspect de la rédaction juridique est une résolution de problème, déclare Me McRae. L’écriture créative est divertissante. La nouvelle rédaction est instructive. Mais l’objectif de la rédaction juridique est d’aider le lecteur à résoudre un problème, que vous soyez un juge qui tente de rendre une décision par rapport à une affaire, un client qui essaie de décider quoi faire ou un juriste adverse qui souhaite décider s’il doit accéder à une demande. Vous tentez de résoudre le problème d’une autre personne. »

Me McRae recommande de se mettre à la place du lecteur et de réaliser que l’article ne concerne pas l’auteur.

« Le but est de résoudre le problème de cette autre personne de la façon la plus efficace et la plus efficiente qui soit. Il est ardu d’adopter une approche axée vers l’extérieur. »

5. Trouvez-vous un compagnon de rédaction

Me McRae recommande également au juriste de se trouver un compagnon de rédaction qui peut lire leur travail et formuler des commentaires.

« Trouvez quelqu’un avec qui échanger vos textes, idéalement une personne de votre cabinet. Vous n’aurez ainsi pas à vous préoccuper du secret professionnel. Demandez-lui si vous transmettez votre message clairement, si elle peut se mettre dans la peau d’un lecteur. »

« Un autre juriste peut déceler un problème dans votre rédaction que vous n’avez pas cernée », précise-t-elle.

6. Utilisez une liste de vérification

Tout le monde a besoin de listes de vérification, selon Me McRae. Par exemple, si vous avez de la difficulté avec la voix passive, faites une révision du document en vous concentrant sur cet aspect.

Votre liste de vérification changera au fil du temps.

Une fois qu’un élément de votre liste de vérification devient un automatisme, vous n’en avez plus besoin sur votre liste. Ajouter un élément différent, propose-t-elle.

Me McRae insiste sur le fait que le développement des compétences en rédaction juridique doit être un objectif de carrière.

« Vous devez constamment vous améliorer, dit-elle. Lorsque nous devenons complaisants, nous devenons vétustes. »