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La vie de bureau après la pandémie

Nous pouvons nous attendre à plus de flexibilité et une empreinte immobilière réduite

Little offices

La distribution du vaccin contre la COVID-19 étant commencée, un retour au bureau à la mi-2021 est envisageable pour les cabinets juridiques canadiens. Mais, pour plusieurs, la flexibilité sera toujours de mise, et les locaux seront possiblement réduits.

Si beaucoup de cabinets prévoyaient recommencer à utiliser au moins 50 % de la capacité d’accueil de leurs bureaux, la récente hausse du nombre de cas les a forcés à mettre de côté leurs plans. À l’heure actuelle, la priorité est de trouver un équilibre qui permettra la collaboration en personne sans compromettre la sécurité de tous.

Selon Didhiti Bhoumik, directrice générale chez Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., s.r.l., qui a des bureaux à Calgary, Montréal, Ottawa, Toronto et Vancouver, aucune date de retour n’est encore prévue : « Nous avons prouvé que nous sommes très productifs, même depuis la maison. Nous poursuivrons donc le télétravail pour respecter les directives provinciales de la santé publique. Tout le monde travaille de la maison, à l’exception du personnel de bureau essentiel. Au rythme où vont les choses, nous n’osons pas encore fixer une date de retour. »

Au total, BLG emploie 800 juristes et 200 autres personnes dans ses cinq bureaux. Depuis mars, le cabinet n’a jamais dépassé 30 % de la capacité dans chacun de ses emplacements. Didhiti Bhoumik, qui a écrit un texte au sujet de l’avenir des lieux de travail, indique que le cabinet tient compte de ce qu’il a appris durant la pandémie dans ses plans d’avenir.

« Nous croyons à l’innovation en milieu de travail. Nous ne dirons jamais que tout le monde travaillera de la maison; ce n’est pas dans notre culture. Mais au retour, nous adopterons une nouvelle approche et offrirons plus de flexibilité aux employés. Nous investirons davantage dans les espaces collaboratifs, et à long terme, notre empreinte immobilière sera réduite. »

Le cabinet a l’intention d’investir dans d’autres salles munies d’outils permettant la tenue d’audiences virtuelles.

« Nous voulons retrouver le contact humain. Nous retournerons au bureau, il n’y a pas de doute, mais nous n’y serons probablement pas tous les jours. Notre niveau de productivité demeure très élevé. »

Pour l’instant, toute personne qui se rend au bureau doit le signaler aux ressources humaines et remplir un questionnaire sur son état de santé. De plus, des protocoles de sécurité sont en place, ce qui comprend de la signalisation au sol et des parois de plexiglas autour des bureaux de la réception. La distanciation physique est aussi exigée.

« Nous avons resserré les mesures pour nous assurer que les personnes qui vont au bureau sont en sécurité. »

 

Profiter de l’occasion pour changer les choses

Les cabinets de toutes tailles profitent de la situation pour apporter des changements. Pour le cabinet de Vancouver Hammerco Lawyers LLP, le succès du télétravail se traduira par un déménagement vers un plus petit local. Environ 60 % du personnel travaille actuellement de la maison. Le cabinet songeait déjà à changer de bureau avant la pandémie, mais vu l’évolution de la situation, il oriente désormais ses recherches vers des bureaux beaucoup plus petits que celui qu’il occupe actuellement. En ce moment, les 22 juristes du cabinet jouissent de 14 000 pieds carrés au centre-ville de Vancouver; le prochain bureau fera la moitié de cette superficie.

Hammerco cherche d’ailleurs à se diversifier et à se doter de nouveaux champs de pratique. Depuis quelques mois, le cabinet recrute des juristes à l’extérieur de la Colombie-Britannique souhaitant travailler à distance.

« Nous nous servons de la pandémie comme tremplin pour faire de grands changements. C’est beaucoup à la fois, mais nos employés saisissent la balle au bond et s’épanouissent. Les prochains 6 à 12 mois seront une période de transition continue. Tout le monde est emballé et motivé par ces changements, même si le climat actuel est déjà déboussolant », explique Morgyn Chandler, coassociée directrice chez Hammerco.

Le cabinet Will Davidson LLP, qui compte une soixantaine de juristes et d’employés dans ses bureaux d’Oakville, Toronto, Bowmanville, Midland et Huntsville, considère lui aussi réduire son empreinte immobilière.

« Nous nous demandons si nous avons réellement besoin de tout cet espace, admet l’associé Paul Cahill. Je crois que tous les employeurs en viennent à se demander si un bureau sur Bay Street est vraiment nécessaire. »

Entre-temps, le cabinet continue d’encourager le télétravail : « Nous ne mettons aucune pression pour que les gens viennent au bureau. La santé et la sécurité de nos employés sont ce qui compte le plus à nos yeux. »

 

Trouver un équilibre tout en demeurant flexible

Ce sont probablement les cabinets dans la bulle atlantique qui jouissent de la meilleure situation au pays puisqu’ils se voient imposer moins de restrictions.

« Puisque nous avons des bureaux dans plusieurs provinces, nous avons constaté qu’une approche unique pour tous les employés ne fonctionne pas. Nous tentons simplement de faire preuve de flexibilité en reconnaissant que nous devons nous serrer les coudes », déclare George Cooper, chef de la direction chez Cox & Palmer. L’entreprise compte 10 bureaux, répartis dans les quatre provinces atlantiques. « Certaines choses fonctionnent à Halifax, mais ne conviennent pas du tout à Charlottetown, à St. John’s ou à Saint John. »

« Personne n’a été forcé à venir sur place. Ce qui nous a posé problème, c’est plutôt le fait que trop de gens voulaient venir au bureau. Je crois que nous serons beaucoup plus flexibles qu’avant en ce qui concerne le télétravail. Nous apprécions toujours la synergie qu’apporte un lieu de travail; nous n’avons donc pas encore décidé ce que nous voulons faire pour 2022 et après. Mais entre-temps, nous nous adapterons aux besoins de nos employés, surtout s’ils doivent s’occuper de proches ou d’enfants, ou si leur état de santé leur impose des limites. »

Dans les bureaux de McLennan Ross LLP à Calgary et à Edmonton, les employés occupaient entre 30 % et 40 % de la capacité avant la nouvelle hausse marquée de cas à la fin novembre. Dès le début de décembre, presque tout le personnel de Calgary a été invité à travailler de la maison.

Les quatre membres du comité de direction du cabinet se rencontrent trois fois par semaine pour discuter de points importants, notamment du nombre d’employés qui se trouvent dans chaque bureau. « Si les chiffres augmentent, nous intervenons auprès des employés et des juristes. », explique Steve Livingstone, associé directeur.

« Ce serait pratique et agréable de ravoir tout le monde au bureau, bien sûr, mais nous sommes très chanceux. Environ 50 % des entreprises ont été touchées; nous, nous en sortirons indemnes », ajoute-t-il.

Accueillant 50 % de ses employés dans ses bureaux de Vancouver, de Kelowna, de Calgary et de Yellowknife, le cabinet Lawson Lundell LLP s’adapte aux nouvelles restrictions.

Clifford Proudfoot, associé directeur, explique : « À Calgary, on ne peut aller au bureau que si notre présence physique est essentielle à l’“efficacité opérationnelle”; nous sommes très stricts à ce sujet. Nous imposerons cette règle jusqu’à ce que la deuxième vague se calme, soit probablement jusqu’en février. À Vancouver, nos bureaux sont à 40 % de leur capacité, comparativement à 50 % cet été. »

« Je pense que 2021 sera une année déstabilisante sur le plan de nos activités. Je suis persuadé qu’on sous-estime l’ampleur de cette deuxième vague, mais je crois tout de même qu’elle sera pratiquement terminée d’ici fin février. Avec un peu de chance, la vaccination préviendra une troisième vague, de sorte que nous ne revivrons pas une situation comme la pandémie de grippe espagnole, qui, elle, a connu quatre vagues. »

Bien que le rendement du cabinet soit assez bon depuis le début du télétravail, Me Proudfoot a hâte de retrouver ses collègues au bureau.

« Je crois que nous pratiquons une profession axée sur l’apprentissage. Or, cet apprentissage et la collaboration qu’il demande sont difficiles à réaliser à distance ou sur Zoom. Nous tenions à avoir des employés dans nos bureaux cette année pour former les étudiants, les stagiaires et les juristes qui sont arrivés cet été. Nous souhaitions pouvoir assurer la formation avec 50 % de nos employés présents, et je crois que nous avons réussi. »

La majorité des juristes s’entendent pour dire que la pandémie a favorisé la flexibilité concernant les modalités de travail.

Dale Orlando de chez McLeish Orlando Personal Injury Lawyers LLP affirme qu’il y a tout de même un peu de bon dans la situation : « La pratique du droit entre enfin dans le XXIe siècle. Je m’attends à plus de latitude dans le système judiciaire pour ce qui est de la planification des motions judiciaires, des procédures préparatoires aux procès et des audiences de gestion des dossiers. »

Maître Orlando appuie également le télétravail plus fréquent pour le personnel : « Auparavant, nous interdisions le télétravail. Maintenant, je considère autoriser un horaire en alternance qui permettrait de travailler tantôt au bureau, tantôt de la maison. »