Comme un poisson dans l’eau
Basile Chiasson, c.r., le lauréat du prix Ramon-John-Hnatyshyn de l’ABC, sur le parcours qui l’a mené de Shippagan au sommet de la recherche juridique.

Il aura fallu plusieurs étapes, du travail acharné, beaucoup d’aide et même un peu de chance pour qu’un homme dont le grand-père, Ferdinand Savoie, n’a jamais eu la chance d’apprendre à lire ou écrire puisse recevoir un prix prestigieux pour la recherche universitaire en droit. Toutefois, et bien lui en fut, sa grand-mère, Ida Poirier, une enseignante, et son grand-père Ferdinand savaient tous deux l’importance fondamentale de l’éducation.
Le succès de Me Basile Chiasson est aussi dû, en grande partie, à la détermination d’une communauté de savoir qui tenait à enseigner des sujets difficiles en français aux jeunes francophones du Nouveau-Brunswick.
Me Chiasson, lauréat du Prix Ramon-John-Hnatyshyn de l’Association du Barreau canadien, est un avocat d’expérience qui a enseigné à l’université de Moncton en plus d’être un chercheur universitaire chevronné.
Originaire de la petite ville de Shippagan dans la péninsule acadienne, il est tout sourire en décrivant la réaction de sa mère, Anne-Marie, quand il l’a informée qu’il allait recevoir un prix qui reconnaissait l’excellence en droit. « Elle mesure à peine 5’ puis depuis que j’ai dit ça elle mesure au moins 6’6”! »
Il se dit fier de recevoir ce prix. « Ça me donne la satisfaction de constater que toutes ces années-là d’efforts, de recherche et d’action ont été reconnues à leur mérite. »
Me Chiasson a été admis au Barreau du Nouveau-Brunswick en 1983. Il exerce en pratique privée à Bathurst, dans cette même province, avec l’étude légale de Chiasson & Roy. Entre 2012 et 2014, il a aussi été chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Moncton, y enseignant la responsabilité civile délictuelle.
Il se dit fasciné par la common law, qu’il trouve « particulièrement terre-à-terre ». « Ce n’est pas un droit réservé aux philosophes, ce n’est pas un droit qui a été pensé, c’est un droit qui a été pratiqué et exercé », affirme-t-il. Et ce, depuis l’époque de Guillaume le Conquérant.
La common law laisse beaucoup de place tout de même à la réflexion et à la recherche. Me Chiasson s’en donne d’ailleurs à cœur joie, publiant régulièrement des articles dans plusieurs revues de droit et bulletins juridiques au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Canada. « Moi je suis heureux dans ce que je fais comme un poisson dans l’eau, affirme-t-il. Ne me retirez pas de l’eau s’il vous plaît! »
Me Chiasson est également l’auteur des Règles de procédure du Nouveau-Brunswick annotées, un manuel de référence utilisé par les membres du barreau et de la magistrature et qui en est à sa 8e édition. Il a aussi publié Jugement sommaire : le virage culturel. Il est également rédacteur en chef du Bulletin des Avocats, un fascicule publié tous les trimestres par la Division du Nouveau-Brunswick de l’ABC.
La science du droit l’intéresse, ce qui consiste à prendre un pas de recul, à faire une certaine analyse et à prévoir l’avenir pour demain. C’est excitant, dit-il, ajoutant à la blague qu’il est probablement la personne la plus plate le vendredi soir à la brasserie.
Me Chiasson est consumé par le droit depuis sa première année d’étude. Et il est bien conscient que rien de sa carrière, de ses faits d’armes, de son enseignement, ne serait arrivé, n’eût été la faculté de droit de l’université de Moncton.
Vers le milieu des années 1970, il y avait beaucoup de contestation. Les gens ont dû se battre pour fonder l’école de droit et ensuite la faculté. Des gens comme l’ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache, feu Me Fernand Landry et son épouse Me Aldéa Landry, le juge Alexandre Deschênes et bien d’autres. « Je ne perds jamais de vue, jamais, lorsque je reçois un prix, une reconnaissance quelconque, que tout a comme point de départ l’université de Moncton et son école de droit. »
Impliqué depuis longtemps au sein de l’ABC, Me Chiasson ne manque pratiquement aucune rencontre. Il se rappelle, lors d’une Réunion hivernale, Eugene Meehan, c.r., un avocat pratiquant devant la Cour suprême du Canada et un ancien président de l’ABC, était venu faire un discours qui l’avait énormément ému. « Lui, cette journée-là, était arrivé au lutrin pour nous dire toute la fierté qu’on devait ressentir d’être avocat. Fierté dans le sens du rôle qu’on pouvait jouer pour des gens, des individus, des institutions, des corporations, et la raison pour laquelle on devait être fiers de ça, » évoque Me Chiasson encore avec émotion.
Remporter le prix Ramon-John-Hnatyshyn est « un exercice d’humilité parce que je regardais les noms qui étaient là, ce sont des gens qui existaient pour moi dans les livres à l’école de droit, des gens de grande renommée, je trouvais que pour un petit bonhomme de Shippagan, j’étais assis à une table particulièrement bien garnie. »
Une table qui aurait comblé de fierté ses grands-parents.
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Le prix Ramon-John-Hnatyshyn vise à honorer une contribution exceptionnelle à la réforme du droit, au savoir juridique ou à la recherche juridique.