Construire des ponts entre la santé et le droit
Lara Khoury a consacré sa carrière à rapprocher les deux disciplines dans le monde réel.
Pour Lara Khoury, comprendre l’incidence du droit de la santé publique est plus qu’une simple question d’intérêt de recherche. La professeure et chercheuse s’efforce également de combler des lacunes dans nos connaissances qui sont souvent négligées par la communauté juridique en matière de santé.
« C’est un domaine où l’on ne s’ennuie jamais, tout est important », déclare la lauréate 2023 du prix Ramon-John-Hnatyshyn de l’ABC. Pendant la majeure partie de sa carrière, Me Khoury a exploré les innombrables questions qui se posent à l’intersection de la médecine et du droit.
Me Khoury enseigne la faute professionnelle médicale et les politiques de santé publique à la Faculté de droit de l’Université McGill. Membre associée de l’Institute for Health & Social Policy et de l’Unité d’éthique biomédicale de McGill, elle anime avec une collègue le Groupe de recherche en santé et droit.
Son projet le plus récent vise à expliquer la montée des litiges en matière de responsabilité auxquels sont confrontés les tribunaux, qui prennent souvent la forme d’actions collectives. L’objectif de son travail, explique-t-elle, est toujours d’identifier jusqu’aux plus subtils catalyseurs qui ont une incidence à la fois sur le système de santé et sur le droit, façonnant au bout du compte les comportements sociaux et le changement social.
Ce projet-ci, elle espère le mener sur plusieurs années afin de déterminer avec exactitude dans quelle mesure les citoyens perçoivent les pouvoirs publics comme incompétents devant les problèmes de responsabilité en matière de santé.
Ancienne avocate plaidante, une grande partie des recherches de Me Khoury au cours des vingt dernières années a été inspirée par son vif intérêt pour la façon dont les juges raisonnent et résolvent les problèmes sociaux avec des outils parfois limités. Bien qu’elle favorise la diffusion des connaissances au sein de la population, elle définit plutôt ses objectifs de recherche en fonction des professionnels du droit. Il est important pour elle que les membres du barreau – comme ceux de la magistrature – puissent mettre ses découvertes en application dans les salles d’audience.
Si cette ancienne élève d’Oxford est considérée comme une experte de la confluence de ces deux domaines très complexes, c’est en grande partie parce qu’elle a initialement privilégié la médecine au droit.
L’intérêt pour la médecine et la santé publique de Me Khoury – qui a grandi dans les Cantons-de-l’Est, au Québec – était pratiquement codé dans son ADN. Lorsque son père a émigré d’une petite ville de Syrie, il a fait sa résidence en pédiatrie et en endocrinologie au Québec, où il est également devenu professeur. Plusieurs cousins de Me Khoury lui ont emboîté le pas, faisant de la médecine une profession familiale.
La jeune Khoury a perpétué la passion de son père pour la médecine et l’enseignement après avoir passé des années à collaborer étroitement avec lui et à puiser dans ses précieuses connaissances dans la recherche médicale. « J’ai également pu l’observer de près dans sa pratique, car j’ai travaillé avec lui pendant cinq ans sur un projet de recherche pédiatrique, au début de ma vingtaine », se souvient la chercheuse.
Plus tard, lors de ses études en droit à l’Université de Sherbrooke, Me Khoury découvrira et cultivera sa propre passion pour le droit de la santé. Mais elle comprendra aussi qu’elle ne veut pas plaider, mais enseigner aux futurs plaideurs.
À sa troisième année en droit, elle a eu un aperçu du caractère gratifiant de l’enseignement en dirigeant des ateliers de recherche pour les élèves plus jeunes. Après avoir exercé le droit comme avocate plaidante pendant un an et obtenu un doctorat à Oxford, elle a décroché un poste de professeure adjointe à McGill en 2002, où elle occupera éventuellement le poste de vice-doyenne à la recherche pendant deux ans.
Aujourd’hui, Me Khoury est considérée par ses collègues comme une professeure incroyablement modeste et solidaire qui accorde la priorité à la réussite de ses étudiants et étudiantes. Robert Leckey, doyen de la Faculté de droit de McGill, loue sa contribution au droit de la santé, affirmant : « Elle est meilleure que beaucoup de ses collègues pour impliquer la prochaine génération de chercheurs dans son travail. C’est sa vraie passion, et les étudiants le ressentent. »
Selon lui, Me Khoury – qui a reçu la distinction d’Avocate émérite du Barreau du Québec en 2019 – joue un rôle important dans la gestion de certaines des plus grandes demandes de subventions de l’Université. Il ajoute que ses collègues la saluent comme quelqu’un qui sait jeter des ponts entre la recherche et la profession.
Me Khoury offre une formation spécialisée aux membres de l’Association du Barreau canadien, aux membres du Barreau du Québec, à divers professionnels de la santé, à des juges et à des juristes de tous les domaines de pratique. Elle siège à titre d’experte au forum citoyen de la Commissaire à la santé et au bien-être du Québec, offrant des conseils techniques sur des sujets comme les soins à domicile pour les personnes âgées. Elle siège également au comité d’éthique de l’Institut national de santé publique du Québec, l’un des rares du genre au pays.
Pour Me Khoury, voir son travail aboutir à des résultats concrets pour la profession la pousse à continuer de faire ce qu’elle aime. « Il existe toutes sortes d’indices nous permettant de savoir si nos recherches sont utiles, déclare-t-elle. Pour moi, recevoir ce prix, c’est une grande fierté, parce qu’en me le remettant, on me dit : “Ce que vous faites nous rend service et nous aide.” »