La primauté du droit menacée
Richard Wagner s'adresse à l'assemblée générale annuelle de l'ABC sur le sujet de l'indépendance de la branche judiciaire à l'ère de la désinformation.
Le juge en chef de la Cour suprême du Canada a exhorté la communauté juridique à prôner l’indépendance judiciaire comme pilier d’une société démocratique, particulièrement parce que les juges ne sont pas aussi libres d’en parler que les autres juristes.
« Alors que la balance de la justice pourrait pencher d’un côté ou de l’autre, celle de la démocratie se doit de conserver l’équilibre », a dit Monsieur le Juge en chef Richard Wagner dans le discours qu’il a prononcé à l’occasion de l’Assemblée générale annuelle de l’ABC le mercredi 19 février. « En votre qualité de membres du barreau et de citoyennes et citoyens engagés, vous avez un rôle à jouer dans le maintien de cet équilibre. »
« Ne sous-estimez pas ce rôle : votre participation au discours public, en tant que juristes de façon individuelle et par l’entremise de la voix de l’Association du Barreau canadien, est nécessaire pour appuyer la magistrature et veiller à l’indépendance judiciaire. Vous vous exprimez là où nous devons tenir notre langue. »
Le Juge en chef a rappelé à son public que l’indépendance judiciaire peut être très simple en théorie. Cependant, elle est désormais « menacée » dans de nombreux pays du monde dans une ère de perte de confiance dans les institutions.
« En nos temps difficiles, la primauté du droit et l'indépendance judiciaire sont menacés dans le monde entier, a-t-il dit. Il suffit de regarder ce qui se passe au sud de notre frontière ».
« Une fois que la pierre angulaire qu’est l’indépendance judiciaire commence à s’effriter, même imperceptiblement, cela peut mener à plus ou moins longue échéance à un effondrement total de l’édifice. »
Le juge en chef a en outre souligné le fait que l’indépendance judiciaire n’a pas pour objet de profiter aux juges à titre individuel. Ce sont les Canadiennes et les Canadiens qui en profitent puisqu’ils peuvent ainsi « faire confiance à leur système judiciaire car ils ne doutent pas que les juges qui tranchent les affaires qui les concernent le font en toute indépendance et impartialité ».
Il a cité l’Accord visant à renforcer l’indépendance de la Cour suprême du Canada, qu’il a signé l’été dernier avec David Lametti, le ministre de la Justice et procureur général, comme un cadre précisant les modalités de l’interaction entre la Cour suprême et le ministre de la Justice. Cet accord a pour objet de poser des lignes directrices qui garantiront l’indépendance de la Cour face aux influences gouvernementales, plus précisément lorsque le gouvernement se présente devant elle comme l’une des parties en litige, ce qui se produit fréquemment.
« Je peux affirmer haut et fort que nous, les juges de la Cour suprême, n’avons jamais ressenti de pressions inappropriées exercées par l’un des deux autres pouvoirs afin de nous pousser à rendre une décision particulière, a-t-il dit. Néanmoins, notre démocratie exige que nous évitions même l’impression que ce pourrait être une possibilité ».