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Droits économiques des conjoints : Il faut des balises claires

S’il s’agit d’accorder des droits aux conjoints de fait, prévoyons un mécanisme simple et souple pour calculer les compensations financières.

Image d'une femme  en réflexion.

Au cours des prochains mois, le droit de la famille devrait subir une transformation majeure à la suite de l’arrivée d’un nouveau gouvernement à Québec qui a promis de mettre en priorité la réforme du droit de la famille tant attendue.

Tous les acteurs du système judiciaire s’entendent pour dire qu’une modification en profondeur doit intervenir pour protéger les conjoints de fait. En juin 2015, le professeur Alain Roy de l’Université de Montréal a publié à titre de président du Comité consultatif sur le droit de la famille le rapport pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales. Le rapport fait état des recommandations pour mettre à jour notre système de justice familial. Parmi ses recommandations, il y en a une qui a attiré notre attention. Le conjoint de fait pourrait obtenir une compensation financière si celui-ci a fait des choix notamment au niveau de sa carrière pour s’occuper d’un enfant du couple.

Il s’agit là d’un principe fort intéressant, mais encore faut-il pouvoir l’appliquer dans le concret. Cette recommandation d’une forme de compensation financière viendra qu’augmenter le flux des justiciables devant les tribunaux sauf si des tables de compensation obligatoires sont imposées par le législateur.

Il serait malheureux, à notre avis, d’accorder des droits aux conjoints de fait tout en ne prévoyant pas un mécanisme simple et souple pour calculer les compensations financières. Le système de justice familiale est engorgé et accorder de tels droits financiers aux conjoints de fait risque d’apporter une charge supplémentaire à notre système de justice. Nous devrons réfléchir collectivement à savoir si nous voulons que ces nouveaux justiciables remplissent les salles d’auditions afin de faire trancher par les juges leurs nouveaux droits économiques que le législateur pourrait adopter. L’objectif de la réforme devrait viser à trouver une paix sociale pour les conjoints de fait et protéger indirectement les enfants des litiges financiers entre les parents. Il y a un risque de dérapage important si des balises claires ne sont pas inscrites dans les nouvelles dispositions concernant les conjoints de fait.

Est-il nécessaire que ces droits économiques des conjoints de fait soient tranchés par nos tribunaux? J’invite donc la communauté juridique à réfléchir à un autre mécanisme pour fixer ces compensations financières. Par ailleurs, il serait grand temps, à notre avis, que nous prenions le temps d’évaluer la possibilité d’avoir un tribunal unifié en droit de la famille qui pourrait justement traiter avec célérité les demandes des conjoints de fait et des couples mariés.

Il existe actuellement un outil peu ou pas utilisé au Québec, dans le cadre des dossiers de divorce, entre époux, à savoir les lignes directrices facultatives en matière de pension alimentaire pour époux. Il faudrait sérieusement évaluer la possibilité d’adopter de telles tables pour fixer les compensations financières entre conjoints de fait en présence d’un enfant né de l’union. Cette table pourrait prévoir des échelons en fonction des revenus générés par la famille et des actifs de chacun des conjoints. Un mécanisme simple et efficace permettra d’accorder aux justiciables québécois une justice équitable et à moindre coût. Évidemment, il pourrait toujours y avoir la possibilité de s’adresser à un tribunal en présence de motifs exceptionnels. Toutefois, il faudrait que ces motifs exceptionnels le demeurent dans le temps.

Dans la perspective de ce rendez-vous pour changer le droit de la famille, il y a lieu de trouver des mécanismes créateurs de solutions au lieu d’alourdir le système judiciaire par le biais de contestation et de réclamation.