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La justice à distance

Des enjeux pour l'avenir de la profession juridique.

Practising law virtually

Alors que la pandémie de COVID-19 a fait basculer nos existences et mis les activités économiques sur pause, les étudiants de l’École du Barreau et les stagiaires se retrouvent également plongés dans l’incertitude. Quelles mesures ont été mises en œuvre pour assurer la continuité, et comment le Barreau du Québec analyse-t-il les enjeux actuels pour la profession juridique ?

Avec la fermeture temporaire des cabinets d’avocats et l’instauration du télétravail lorsque c’était possible, de nombreux stagiaires ont vu leur stage interrompu. De leur côté, les étudiants de l’École du Barreau s’interrogent sur la façon dont ils pourront terminer leur session, effectuer leur évaluation finale et par la suite, devenir admissibles au stage.

Pour mettre un terme aux spéculations et aux inquiétudes, la direction de l’École du Barreau s’est assise avec le Comité élargi du programme et des évaluations, le Comité de la formation professionnelle, ainsi que la direction générale du barreau du Québec. Plusieurs décisions ont été prises pour assurer la poursuite de la formation des futurs avocats, et ce dans les meilleures conditions possible.

Mesures de mitigation pour l’évaluation finale

Le bâtonnier du Québec, Paul-Matthieu Grondin s’est fait rassurant, et a souligné que les préoccupations des représentants des associations étudiantes des quatre centres de formation avaient été entendues. « Nous avons pris des mesures afin que les étudiants inscrits au programme de formation de la session d’hiver 2020 puissent terminer leur session, réaliser leur évaluation finale et devenir admissibles au stage, et ce conformément au Règlement sur la formation professionnelle des avocats, et dans un délai s’apparentant à celui du calendrier de l’année scolaire 2019-2020 », explique-t-il.

Dans un premier temps, il a été décidé que tous les candidats débutant leur stage en 2020, peu importe le mois, seront réputés l’avoir terminé en 2020, année qui sera également celle de leur assermentation.

Les modalités de l’évaluation finale ont aussi été réaménagées. « La date de l’évaluation finale régulière a été reportée d’un mois, soit au 25 mai. Elle s’effectuera sur une plateforme en ligne, et une durée de cinq heures sera accordée pour cette évaluation qui a toutefois été conçue pour durer 4 h 30 », mentionne le bâtonnier. Les étudiants disposeront également d’une plage de 24 heures pour la compléter. Ils pourront donc la faire dans la période qui leur convient le mieux, ceci afin de tenir compte des contingences reliées aux enfants à la maison par exemple, ou aux soins à donner à un proche.

Pour obtenir la note de passage, les candidats devront avoir une note globale d’au moins 60 %, constituée de l’évaluation finale (sur 80 points) et du résultat de l’évaluation notée (sur 20 points).

En cas d’échec, les étudiants pourront s’inscrire à l’évaluation finale de reprise qui aura lieu à une date restant encore à déterminer. Tous les détails relatifs à l’évaluation finale et à ses modalités sont disponibles sur le site de l’École du Barreau : ecoledubarreau.qc.ca

Miser sur le numérique

Si la période que nous traversons génère de nombreux défis, elle est également riche en occasions de faire preuve d’innovation et de créativité. Le travail à distance s’est imposé comme une nécessité dans les cabinets, et le système de justice tente lui aussi de s’adapter.

« Actuellement, les différents acteurs travaillent fort et rapidement sur la modernisation de la justice. Par exemple, le 26 mars dernier s’est tenu un procès entièrement virtuel », indique le bâtonnier. Toutes les étapes de ce procès – un cas de garde d’enfant — se sont déroulées en ligne, sous l’impulsion du juge de la Cour supérieure du Québec Clément Samson, du district de Trois-Rivières. Le jour dit, le magistrat ainsi que les avocats, les témoins et les parties se sont connectés à une salle de cour virtuelle, et le processus s’est déroulé en ligne depuis les interrogatoires jusqu’aux plaidoiries. Une première saluée par Me Paul-Matthieu Grondin qui souhaite que cette expérience se renouvelle le plus souvent possible.

Rappelons d’ailleurs que le Laboratoire de cyberjustice de la faculté de droit de l’Université de Montréal a développé des plateformes Web qui permettent de dématérialiser certains processus judiciaires, et rendent possible les audiences en ligne, la négociation et la médiation à distance ces conflits. Le Laboratoire a proposé au ministère de la Justice de lui fournir une plate-forme électronique sécuritaire, mais ce n’est toutefois pas celle-ci qui a été utilisée dans le cadre du procès du 26 mars, ce qui peut poser des enjeux en matière de vie privée et d’archivage des données, a déploré le directeur du Laboratoire, Me Karim Benyekhlef, en entrevue à Radio-Canada le 31 mars dernier.

La pratique du droit sans papier est aussi plus pertinente que jamais, et plusieurs initiatives ont vu le jour à point nommé, par exemple l’implantation du greffe numérique de la Cour d’appel qui, depuis le 9 avril, permet de déposer de façon électronique une déclaration d’appel dans le cas des appels de plein droit en matière civile. D’autres actes de procédure en matière civile, pénale et criminelle devraient progressivement s’ajouter à la liste.

De son côté, le Barreau souhaite tout mettre en œuvre pour soutenir la profession dans ce processus de transformation. « Nous allons aider nos membres et offrir des formations afin qu’ils puissent prendre le virage technologique », affirme le bâtonnier, conscient que les avocats ne sont pas nécessairement sur le même pied d’égalité à cet égard. « Certains étaient déjà prêts et familiers avec les processus numériques, d’autres le sont moins, mais nous allons nous assurer de leur donner les outils nécessaires. »