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Le Nord au coeur

Le stage dans une communauté rurale ou du Nord : une bonne façon de lancer sa carrière pour un étudiant en droit.

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Le Nord n’est pas une « région reculée à l’abandon », comme certains l’ont décrit. C’est plutôt un superbe endroit où commencer une carrière en droit.

Simon Jack a passé la dernière année au Manitoba pour y faire un stage au centre juridique communautaire Thompson.

« C’est le meilleur bureau d’aide juridique dans un rayon d’au moins quatre heures de voiture », affirme-t-il. « Et comme vous pouvez vous en douter, c’est aussi le seul dans ce rayon. »

Simon Jack compte parmi les nombreux diplômés en droit qui ont eu de la difficulté à trouver un stage en milieu urbain. En Ontario, plus d’un étudiant sur sept obtient son diplôme sans avoir reçu une offre de stage.

Un grand nombre d’étudiants n’envisagent toutefois pas de quitter la ville pour aller faire leur stage dans une communauté rurale ou du Nord. Selon un sondage mené auprès d’étudiants en stage par la division de la Colombie-Britannique de l’Association du Barreau canadien, près de 82 % des répondants ont déclaré qu’ils préféreraient pratiquer le droit soit à Vancouver, soit à Victoria. Seulement 0,5 % des répondants ont affirmé qu’ils aimeraient pratiquer dans le nord de la Colombie-Britannique.

Selon Simon Jack, les communautés comme celle de Thompson, qui est située à environ 750 kilomètres au nord de Winnipeg, ont beaucoup à offrir aux étudiants. « Les Manitobains semblent croire que Thompson est une région reculée à l’abandon, mais ce n’est pas le cas », affirme-t-il.

« Je crois que beaucoup de communautés du Nord sont perçues comme une solution de dernier recours, lorsqu’aucun travail n’est trouvé dans les grandes villes, ce que je trouve injuste. Travailler dans le Nord n’est pas synonyme d’échec, à moins de tout gâcher ou de ne rien faire pour en tirer le meilleur parti possible », affirme Simon Jack. « Et je ne dis pas ça uniquement parce que je me suis retrouvé ici. »

Roberta J. Stewart, associée chez Heather Sadler Jenkins LLP à Prince George, en Colombie-Britannique, affirme que les stagiaires ont plus de chance d’acquérir de l’expérience pratique dans les communautés rurales et du Nord. Contrairement à ses camarades qui ont fait des stages dans de grandes villes, elle affirme qu’au cours de son année de stage, elle a plaidé devant le tribunal, a rencontré des clients, a été encadrée par des associés principaux et s’est occupée de certains dossiers.

Simon Jack est d’accord avec cette affirmation, précisant qu’au cours de la dernière année, il s’est rendu au tribunal presque tous les jours.

« Les stagiaires s’occupent de dossiers importants ici, des dossiers qu’on ne verrait sans doute même pas dans le sud de la province », affirme Simon Jack, originaire de l’Île-du-Prince-Édouard. « J’ai participé à plus de comparutions devant le tribunal en une semaine que mon ami pendant toute son année de stage, dans le sud. »

Roberta J. Stewart n’était jamais allée à Prince George lorsqu’un ami de la famille a proposé qu’elle fasse une demande de stage chez Heather Sadler Jenkins, en 2003.

« J’ai même dû consulter une carte pour savoir où c’était », dit-elle en riant.

Morna Boyle n’était, elle non plus, jamais allée à Rankin Inlet avant d’arriver dans cette région éloignée du Nunavut pour son emploi d’été, en 2012.

Elle y est cependant retournée l’année suivante pour effectuer un stage à la Commission des services juridiques du Nunavut et prévoit même poursuivre sa collaboration avec l’organisme en tant que criminaliste.

Morna Boyle, qui est originaire d’Ottawa, affirme que son stage lui a permis de se familiariser avec différentes branches du droit, dont le droit criminel, le droit civil et le droit de la famille.

« Les causes sont toujours intéressantes et stimulantes, et le système des cours itinérantes fonctionne de telle sorte qu’un stagiaire peut acquérir une grande expérience en salle d’audience », explique-t-elle.

Selon elle, la vie dans le Grand Nord constitue également une expérience « incroyable ». « Le sentiment d’appartenance est différent de tout ce que j’ai pu vivre en ville. Les gens se retrouvent lors d’occasions spéciales pour des danses carrées et des fêtes agrémentées de nourriture traditionnelle, et sinon, il y a toujours une vente de produits artisanaux ou une partie de hockey pour nous réunir au centre communautaire. »

Morna Boyle s’était d’abord tournée vers le réseau Avocats canadiens à l’étranger pour travailler à Rankin Inlet, puisque ce réseau publie des offres d’emploi dans le nord du Canada. La Rural Education and Access to Lawyers Initiative (REAL) est un autre programme qui permet aux étudiants de se trouver un emploi dans une communauté rurale ou du Nord.

L’initiative, lancée en 2009, assure le financement de stages d’été dans les communautés rurales de toute la province et offre de l’aide aux cabinets d’avocats qui tentent d’embaucher et de maintenir en poste des étudiants.

Nicole Clarke, récemment diplômée de la faculté de droit de l’Université de l’Alberta, a bénéficié de l’initiative REAL.

« J’ai présenté des demandes et passé des entrevues dans des cabinets de toutes tailles de diverses régions de la Colombie-Britannique, mais je savais que le travail dans un grand cabinet en ville n’était pas vraiment ce que je voulais », raconte Nicole Clarke, originaire de Whitby, en Ontario. « J’étais venue en vacances dans la vallée de l’Okanagan à quelques reprises, et je trouvais l’endroit magnifique. »

Inspirée par l’exposé donné à la faculté de droit de son université par un coordonnateur de l’initiative REAL, Nicole Clarke a commencé à téléphoner à des cabinets d’avocats.

« Il n’a pas été simple de trouver une place », affirme-t-elle. « J’ai appelé tous les cabinets de la région de l’Okanagan, de la vallée du Fraser, du Lower Mainland, de Kootenays et même de Squamish et de Whistler. Grâce à mes efforts, j’ai pu obtenir quelques entrevues avec des cabinets intéressés par le programme. »

À l’été de sa deuxième année d’études, Nicole Clarke a donc travaillé pour le cabinet Avery Law Office à Summerland, en Colombie-Britannique.

« J’ai très hâte d’y retourner », lance celle qui se rendra de nouveau à Summerland en août pour y commencer un stage. « Je souhaite continuer à travailler dans une région où je pourrai constater directement les bienfaits de mon travail sur la communauté. »

Roberta J. Stewart, qui a grandi à Prince Albert, en Saskatchewan, affirme que les communautés du Nord ont beaucoup à offrir aux stagiaires. Selon elle, le Nord est un merveilleux endroit où vivre et travailler.

Elle déconseille toutefois aux étudiants de demander un stage dans un endroit où ils ne veulent pas travailler. « Nous cherchons des collaborateurs et, qui sait, peut-être même de futurs associés », ajoute-t-elle. « Ce serait une erreur de demander un stage dans le Nord si vous n’avez pas l’intention d’y vivre. »

Dans l’intervalle, le centre juridique communautaire Thompson a embauché Simon Jack pour un mandat de deux ans. Il a acheté une maison dans la communauté, et sa femme s’est trouvé un emploi de travailleuse sociale.

« Il y a beaucoup à faire, à apprendre et à gagner si vous aimez suffisamment le Nord pour y rester », affirme-t-il.