Passer au contenu

Dîner avec Eric Gottardi: Comment devenir porte-parole

Souriant doucement au-dessus de son assiette, l’avocat criminaliste, impeccable dans son sobre costume trois-pièces, considère un moment sa brochette de porc avant d’opter pour une bouchée de bacon.

 Eric V. Gottardi &  Catherine Rose
Photography BEN NELMS

LES CONVIVES

L’expert: Eric V. Gottardi, avocat criminaliste et associé principal chez Peck and Company à Vancouver.

Bio: Souvent invité comme analyste juridique dans les médias, Me Gottardi a travaillé comme auxiliaire juridique à la Cour d’appel de l’Ontario après avoir fait son droit à l’Université Queen’s.

L’apprentie: Catherine Rose, stagiaire en droit chez Sutherland Jetté à Vancouver.

Bio: Fraîchement émoulue de l’Allard School of Law de l’Université de la Colombie-Britannique, Catherine s’intéresse à la défense des droits, au règlement des litiges, au droit criminel et au droit constitutionnel.

 

« C’est chouette : les gens semblent penser que je suis le grand ami d’Ian Hanomansing », plaisante Eric Gottardi.

Il est midi moins quelques en ce vendredi pluvieux typique de Vancouver. Me Gottardi est installé à l’une des énormes banquettes de cuir rouge du Chambar, un restaurant huppé à la lisière du centre-ville – et à quelques pâtés de maisons du centre de diffusion de la CBC, un endroit qui lui est devenu bien familier. En effet, Me Gottardi est souvent invité au bulletin de nouvelles – souvent sans grand préavis – en qualité d’« expert » pour expliquer les grands dossiers qui font la manchette.

Ce rôle, endossé incidemment dans le cadre de son travail à l’Association du Barreau canadien, ne lui déplaît pas, même s’il sait risquer de passer pour un m'as-tu-vu. Quoi qu’il en soit, il voit la tâche comme une responsabilité.

« Les médias ont une immense influence sur l’opinion publique envers le système de justice, explique Me Gottardi. Il faut donc des porte-parole, car il y en aura toujours pour clamer que la peine est insuffisante dans telle ou telle affaire sordide. »

« If it bleeds, it leads » ajoute-t-il, vieil adage selon lequel les médias et le public sont attirés par l’odeur du sang. « Quelqu’un doit fournir des explications lorsque le coupable n’est pas mis derrière les barreaux ad vitam æternam. Autrement les gens se scandalisent – une réaction instinctive lorsqu’ils ne connaissent pas le fond de l’affaire. »

Assise face à Me Gottardi, Catherine Rose écoute attentivement tout en grignotant une rôtie de pain au levain. Elle ne sait pas encore où sa carrière la mènera, et avoue être nerveuse à l’idée de voler de ses propres ailes. Ou de devenir porte-parole dans les médias.

« J’aimerais être plus confiante de parler en public avant de me lancer, affirme-t-elle. En cour, oui, il y a une transcription et un enregistrement, mais personne ne diffuse nos propos hors des murs. »

Le système de justice canadien évolue la plupart du temps loin de l’objectif des caméras. Malgré tout, les procès retiennent l’attention des médias.

Me Gottardi donne l’exemple du procès de Jian Ghomeshi, sans doute l’un des plus importants scandales à éclater dans les médias canadiens depuis belle lurette. « Il y a eu tout un battage à cause de qui il était.
Il s’agissait pourtant d’une affaire d’agression assez ordinaire, du genre qu’on voit tous les jours dans les tribunaux du pays. »

Ghomeshi a été acquitté de quatre chefs d’agression sexuelle et d’un chef de tentative d’étranglement. Son avocate, Marie Henein, a déclaré après la tombée du verdict que, malgré une attention et une pression sans précédent, l'affaire a été jugée sur les preuves présentées dans une cour de justice.

Me Gottardi acquiesce habituellement aux demandes de commentaires des journalistes. Sauf, dit-il, dans le cas de ses propres affaires.

Il donne ce conseil à Catherine, si elle décide de poursuivre en droit criminel : « Un jour ou l’autre, tu te retrouveras avec une affaire médiatisée sur les bras et des micros en plein visage. Le meilleur commentaire, c’est habituellement “Sans commentaire”. »