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Nouvelles orientations

Dans son rapport final, le projet Avenirs en Droit de l’ABC propose un nouveau cadre réglementaire qui permettra aux avocats de travailler différemment et d’offrir une valeur ajoutée aux clients.

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« Les idées, les institutions, les modèles, la réglementation : rien ne devrait être sacro-saint. » Ce message est au cœur du rapport final du Projet Avenirs en Droit de l’ABC, présenté en août au conseil de l’Association du Barreau canadien.

Cette déclaration est étoffée de 22 propositions audacieuses pour l’avenir de la profession juridique au Canada, y compris qu’avocats et avocates puissent « exercer le droit dans des structures d’affaires qui permettent le partage des honoraires, la multidisciplinarité, ainsi que la propriété, la gestion et la pratique du droit par des non-avocats ou autres professionnels juridiques réglementés. »

Dans son plaidoyer pour l’introduction de structures d’entreprise alternatives (SEA) dans lesquelles des non avo­cats pourraient détenir des parts, le rapport s’inspire beaucoup de l’expérience récente de l’Australie, de l’Angleterre et du Pays de Galles. Depuis 15 ans, ces pays ont délaissé les modèles d’affaires du 19e siècle et s’apprêtent à mettre à l’essai de nouveaux modèles de prestation de services juridiques.

« Ce que nous voyons nous a convaincus que la profession est prête à accepter le changement, opine Fred Headon, président sortant de l’ABC et coordonnateur du Projet Avenirs en Droit. Beaucoup de juristes s’évertuent à faire un bon boulot pour leurs clients, mais les attentes évoluent. En proposant un nouveau cadre réglementaire, nous disons qu’il est possible de faire les choses autrement, avec une valeur ajoutée pour les clients. »

Un marché juridique en evolution

Déjà, la prolifération des parajuristes, l’offre de services en ligne, l’impartition et d’autres formes de concurrence ont un effet sur la demande — et les prix — des services rendus par les avocats et avocates. Et au fil des ans, prédit-on, des SEA de l’étranger et des cabinets multidisciplinaires offriront plus de choix et de commodité aux consommateurs de services juridiques autour du monde.

Un mouvement pour une réforme réglementaire est aussi en marche au Canada. Depuis le lancement du projet Avenirs en droit de l’ABC et 2012, les barreaux de Colombie-Britannique, du Manitoba, de l’Ontario et de la Nouvelle-Écosse envisagent des réformes pouvant aboutir à l’adoption des SEA.

« Ce que nous voyons nous a convaincus que la profession est prête à accepter le changement »

Selon Allan Fineblit, directeur général du Barreau manitobain et membre du comité directeur du projet Avenirs en droit, les régulateurs doivent s’adapter aux réalités du monde moderne. « Les cabinets doivent composer avec le fait que notre réglementation a peu évolué depuis 200 ans, et qu’elle ne reflète pas les changements survenus dans le monde autour de nous », a déclaré Me Fineblit aux participants du Forum de déontologie de l’ABC, en juin dernier, à Toronto.

En règle générale, pour les avocats canadiens, les seules structures d’entreprise autorisées sont les cabinets privés, les associations ou les entreprises professionnelles appartenant en­tière­ment à des avocats et sous leur contrôle exclusif. La Colombie-Britannique, le Québec et l’Ontario permettent les cabinets multidisciplinaires appartenant, de façon limitée, à des non-avocats. Et même là, les produits non juridiques doivent être offerts en soutien ou en complément à des services juridiques. Des enjeux épineux touchant à la confidentialité et aux conflits d’intérêts viennent compliquer davantage les choses.

Un obstacle à l’innovation

Des critiques affirment que le cadre réglementaire actuel est inflexible et constitue un obstacle à l’innovation au sein des cabinets juridiques.

La concurrence est vive entre avocats, expliquait Malcolm Mercer, du cabinet McCarthy Tétrault au Forum sur la déontologie, mais la marge de manœuvre est mince. « Le seul moyen d’offrir un service à prix inférieur est de réduire le tarif horaire, et cela signifie que vous gagnez moins d’argent, dit-il. Le résultat, c’est qu’il y a très peu d’innovation. »

Par ailleurs, le monopole de la profession en matière d’offre de services juridiques élimine toute incitation à innover. Même quand des avocats ont l’esprit entrepreneurial, ils sont incapables de mobiliser des fonds à cause des restrictions sur l’investissement externe.

Cela limite les ressources financières des cabinets ainsi que leur capacité de puiser dans l’expertise non juridique (p. ex. les TI). On critique souvent l’immobilisme des avocats, mais les contraintes réglementaires les empêchent d’investir en technologie ou d’adopter de nouveaux procédés pour améliorer l’efficacité de leurs services.

Le rapport cite en exemple l’interdiction du partage des honoraires avec d’autres professionnels; cela empêche les avocats de conclure des partenariats qui pourraient leur permettre d’amé­liorer l’accessibilité des services juridiques dans des collectivités mal desservies.

Selon certaines études, au Canada, à peine 10 à 15 % des personnes avec des problèmes juridiques consultent un avocat. Et même si des services non traditionnels occupent une part croissante du marché juridique, une abondante preuve démontre qu’un grand nombre de justiciables ne consultent personne.

« Certains fournisseurs de services, œuvrant à l’extérieur des structures traditionnelles de cabinet, sont bien accueillis par la clientèle », poursuit Me Headon. « Nous voulons apprendre d’eux. Comme profession, il faudra voir ce que nous pouvons faire de plus pour les aider à optimiser leur offre de services et améliorer l’accès à la justice sans compromettre la protection du public. »

Travailler en collaboration

Alors où sont les solutions? Au Canada, les barreaux réglementent les praticiens, mais pas les structures dans lesquelles ils exercent le droit. Le rapport du Projet Avenirs en Droit favorise une forme de libéralisation qui aboutirait à une réglementation des uns et des autres. En vertu d’un tel scénario, les SEA seraient soumises à des règles fiduciaires et déontologiques dans leur presta­tion de services juridiques. Ainsi, les structures ne respectant pas la réglementation se­raient elles aussi à risque de suspension ou radiation, mettant en péril leur marque de commerce, et même leur existence.

...selon le rapport, il existe un besoin de flexibilité et de choix en matière de formation juridique, tant au sein des facultés de droit qu’avec de nouveaux modèles de formation.

Le rapport recommande aussi d’alléger les règles gouvernant la supervision directe de travaux exécutés par des non-avocats, chaque partie pouvant alors se concentrer sur son domaine d’expertise. « Le rapport suggère qu’en ma­tière de pratiques exemplaires, les avocats tirent profit de l’ex­pé­rience d’autres professionnels », explique Karen Dyck, mem­bre du comité directeur. « Parfois ils devront s’en remettre à d’autres expertises. Cela causera un véritable choc culturel. »

« Les avocats doivent accepter de travailler avec une plus grande diversité de professionnels », ajoute Me Headon, insistant du même coup sur l’importance, pour la profession juridique, de mieux refléter la diversité de la société canadienne. « Si nous ouvrons de nouvelles voies de carrière pour les avocats, nous pourrions trouver de nouvelles façons de rendre notre profession plus inclusive et diversifiée. »

Le rapport propose aussi que les fournisseurs de services juridiques et les barreaux s’engagent de manière plus officielle à mieux représenter la diversité canadienne au sein de la profession juridique, pour mieux répondre aux besoins de diffé­rentes collectivités.

Finalement, selon le rapport, il existe un besoin de flexibilité et de choix en matière de formation juridique, tant au sein des facultés de droit qu’avec de nouveaux modèles de formation.

Un avenir chargé d’innovation, de nouvelles structures d’entreprise et de nouveaux modèles de formation juridique pourra paraître préoccupant pour de nombreux juristes. D’autres, cependant, y voient l’occasion de changer et d’améliorer les cabinets juridiques. « Nous nous reposons sur nos lauriers depuis trop longtemps », dit Gary Luftspring, membre lui aussi du Comité directeur. « Nous avons devant nous de formidables possibilités si nous pouvons apprendre à véritablement innover. »

 

Avenirs en droit — Transformer la prestation des services juridiques au Canada
Le rapport Avenirs en Droit — Transformer la prestation des services juridiques au Cana­da contient 22 recommandations, y compris :

  • Permettre aux avocats d’exercer le droit dans des structures d’entreprise qui autorisent le partage des honoraires, la multidiscipli­na­rité, ainsi que la propriété, la gestion et la pratique du droit par des non-avocats ou d’autres professionnels juridiques réglementés.
  • Permettre à des non-avocats d’investir dans des cabinets juri­di­ques, mais uniquement sous un contrôle réglementaire rigoureux.
  • Adopter une réglementation des pratiques juridiques fondée sur la conformité, comme complément éthique à la réglementation ac­tuelle des avocats.
  • Encourager les barreaux à exi­ger des cabinets juridiques, et des SEA, qu’ils se conforment — quand cela est permis — à des principes de diversité conformes aux exigences juridiques et déontologiques.
  • Permettre aux formateurs juridiques, y compris les facultés de droit, d’innover pour offrir un plus vaste choix d’options aux étu­diants, dans le cadre des mo­dèles traditionnels ou de pro­­gram­mes restructurés, ra­tio­na­li­sés ou spécialisés, ou au mo­yen de modèles novateurs.
  • Encourager les formateurs juridiques à créer des programmes parallèles dans des domaines tels que la technologie juridique, au collégial, dans les facultés de droit ou ailleurs, afin d’instruire de nouvelles catégories de fournis­seurs de services juridiques, y compris des avocats.
  • Créer à l’ABC un centre d’expertise sur la profession juridique au Canada qui deviendrait la réfé­rence en matière de données sur tous les aspects de la profession juridique au Canada.

Pour consulter le rapport (PDF), visitez cbafutures.org.