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Ouvrons la porte

Envoyez-moi vos fatigués, vos pauvres.

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Ces mots gravés sur la statue de la Liberté ont accueilli des générations d’immigrants aux États-Unis. Or, le Canada devenant graduellement la destination la plus prisée, le nombre d’immigrants accueillis par le pays dans le passé semblera bientôt dérisoire à côté du nombre de personnes qui frapperont à nos portes d’ici quelques années.

Catastrophes naturelles, pénuries d’eau et de nourriture et désertification associée aux changements climatiques – dont les pays riches sont les principaux responsables – sont souvent causes d’instabilité politique et de guerres civiles qui chassent les gens de chez eux, un phénomène qu’on peut qualifier de « migration de survie ».

Ces facteurs font que le Canada, un pays bâti par des immigrants, devra accueillir un nombre sans précédent d’immigrants et de réfugiés au cours des 100 prochaines années. Malheureusement, bon nombre de nos lois sur l’immigration et politiques d’établissement – sans parler de l’opinion publique – ne sont pas adaptées à cette réalité.

Pensons à Kanthasamy c. Canada, un arrêt récent de la Cour suprême du Canada, qui a abordé la question des motifs d’ordre humanitaire aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cette catégorie, considérée comme un fourre-tout pour les cas exceptionnels non couverts par les autres catégories de la Loi, a été élargie de manière à couvrir les « difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives ».

Conséquence de cette décision : des millions de personnes qui souffriraient horriblement à l’extérieur du Canada pourraient être légalement autorisées à demeurer ici. On peut actuellement observer dans certains pays d’Europe orientale et centrale les difficultés liées à l’accueil de flux migratoires imprévus, situation de toute évidence insoutenable à long terme. Certains de ces immigrants
se retrouveront aussi au Canada.

Un sondage effectué l’an dernier par l’institut Angus Reid indique que 68 % des Canadiens souhaiteraient que les minorités fassent davantage d’efforts pour s’intégrer à la culture dominante. Cette opinion n’a rien de nouveau, et refait surface avec chaque vague d’immigration au Canada. Or, nous n’avons jamais autant eu besoin des immigrants.

Selon un rapport du Conference Board du Canada sur les perspectives économiques et financières, le pays devrait augmenter d’un tiers le nombre d’immigrants accueillis annuellement pour maintenir sa croissance économique et accroître sa population active afin de faire contrepoids à la population vieillissante et au taux de natalité en baisse.

Malheureusement, le traitement des nouveaux arrivants laisse souvent à désirer. De nombreux réfugiés syriens ont du mal à joindre les deux bouts. Or l’État ne peut assurer seul l’intégration des immigrants : les citoyens, les communautés et les institutions ont tous un rôle à jouer pour que les nouveaux arrivants contribuent à notre société.

Évidemment, le Canada ne peut accueillir tous ceux qui cherchent une vie meilleure. Nous devons trouver une façon d’attirer les meilleurs d’entre eux, sans pour autant négliger notre rôle humanitaire. Certains seront effectivement fatigués et pauvres, d’autres posséderont des compétences et des ressources précieuses.

Pour assurer notre prospérité, nous devrons peut-être assouplir nos lois afin d’accueillir davantage d’immigrants, mais devrons certainement faire de notre pays la destination la plus accueillante possible en modifiant nos attitudes.

En effet, le Canada a tout à gagner en s’acquittant de son devoir moral : offrir une destination chaleureuse et hospitalière.

Prenons l’exemple de la crise du logement causé par les investissements chinois dans des villes comme Vancouver. Bien que le projet de loi 28 de la Colombie-Britannique pourrait régler ce problème en partie en imposant des droits de mutation immobilière aux citoyens étrangers, il risquerait ainsi d’envoyer le message que les riches investisseurs étrangers ne sont pas les bienvenus au Canada.

Pour attirer ces capitaux, pourquoi ne pas inviter ces investisseurs à s’établir au Canada? Dans un contexte d’économie mondialisée, les liens avec d’autres pays sont signe non pas nécessairement d’un patriotisme déficient, mais bien d’un cadre d’affaires prometteur. Ces liens existent parce que nous les encourageons.

Au lieu d’insister pour que les autres adoptent notre culture, nous devrions au contraire nous ouvrir sur le monde. Grâce à la force de nos politiques multiculturelles et à l’application universelle de nos principes d’inclusivité, le Canada de demain n’aura rien à voir avec le pays d’aujourd’hui. Et heureusement!