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Commerce intérieur: Le libre-échange amorce une ère nouvelle au Canada

Tandis que le monde flirte avec le protectionnisme, le Canada poursuit sa lancée en tant que nation avide de libre-échange

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Depuis six mois, nous avons vu les États-Unis abandonner le Partenariat transpacifique (PTP), puis menacer de se retirer de l’ALENA, et la Grande-Bretagne lancer son processus formel de divorce avec l’Union européenne.

Mais tandis que le monde flirte avec le protectionnisme, le Canada poursuit sa lancée en tant que nation avide de libre-échange, menant d’ambitieuses négociations à travers la planète : avec la Chine, l’Inde, le Japon et maintenant avec le bloc multinational Mercosur. Le pays a accepté de rouvrir l’ALENA dans l’espoir de le sauver. Les doigts demeurent croisés quant à la ratification complète de l’Accord économique et commercial global avec l’Europe (AECG). Des discussions informelles ont lieu avec la Grande-Bretagne – qui ne peut s’engager formellement dans des pourparlers avant la concrétisation du Brexit. En mai, le Canada a reçu ses partenaires éconduits du PTP dans un effort de sauver des portions de l’entente. Et le 1er juillet, de nouvelles règles de libre-échange entre les provinces entreront en vigueur, en vertu de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC).

À l’exception de ce dernier accord, peut-être, aucun de ces efforts ne soulève la controverse, tellement le niveau d’acceptation est répandu à travers le Canada quant au fait que le commerce et l’ouverture sur le monde sont au cœur de la santé économique du pays.

Le commerce international compte pour environ les deux tiers de notre PIB, comparativement à 30 % pour les États-Unis. En 2015, 78 % des exportations totales du Canada sont allées vers ses partenaires de l’ALENA.

Mais certaines ententes de libre-échange ont plus d’impact que d’autres, et leur succès dépend de bien plus que de la taille des marchés impliqués. Selon la Banque du Canada, les bénéfices économiques anticipés de l’accord avec l’Union européenne – avec ses 500 millions de consommateurs – ajouteraient autant à la productivité potentielle du pays qu’en éliminant les obstacles interprovinciaux au Canada.

Les deux ententes feraient augmenter le PIB de 1 % en 2025, ou plus de 1500 dollars par famille canadienne.

Pour le Canada, les leçons sont assez évidentes. Nous avons toujours misé sur les échanges économiques sur le continent nord-américain, et nous devrions éviter d’entretenir trop d’espoirs commerciaux à l’égard de contrées lointaines. La proximité demeure un facteur important.

Cela s’explique par le concept de commerce international connu comme le modèle gravitationnel, ressuscité récemment par l’économiste américain Tyler Cowen. Le modèle décrit les tendances en terme d’échanges commerciaux entre deux pays comme étant proportionnelles à leurs PIB combinés, et inversement proportionnelles à la distance géographique qui les sépare. Cela explique pourquoi les États-Unis font beaucoup plus affaire avec le Canada qu’avec l’Australie. C’est aussi pourquoi les libre-échangistes canadiens entretiennent autant d’espoir à l’égard du libre-échange interprovincial.

Après l’annonce de l’ALEC en avril, plusieurs ont réagi avec frustration. Les critiques dénoncent le fait que l’accord prévoit trop d’exceptions pour des secteurs protégés de la concurrence. L’alcool est parmi les plus importantes, mais l’industrie laitière au Québec est aussi épargnée, de même que les approvisionnements en Alberta pour une certaine période, et même la délivrance de permis pour vendre des grenouilles en Ontario. Certains estiment qu’il est exagéré de croire en l’existence d’un libre-échange interprovincial au Canada. Mais il faut remettre le tout en perspective. En vertu de l’AECG, dont la réception a été généralement positive, le système canadien de la gestion de l’offre reste largement intact et les dispositions sur les marchés publics contiennent aussi plusieurs exceptions.

Ce que l’ALEC promet de faire est d’adopter une approche de liste négative à l’égard des exceptions aux principes de libre-échange, et apporte une transparence importante en désignant publiquement les provinces qui insistent pour protéger certains secteurs de leur économie. Il y a donc une voie pour moderniser le libre-échange au sein du Canada, bien que ça puisse prendre un certain temps.

Entre-temps, les tribunaux auront eux aussi leur mot à dire.

L’enjeu est de déterminer si les Actes de l’Amérique du Nord britannique visaient à créer un espace de libre-échange au sein du Canada nouvellement uni. Ceux qui appuient cette position font valoir que l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui stipule que les biens seront « admis en franchise dans chacune des autres provinces », proscrit les tarifs et barrières non tarifaires.

Cet argument sera bientôt mis à l’épreuve devant la Cour suprême, qui a autorisé l’appel dans le dossier R. c. Comeau sur l’importation interprovinciale d’alcool. Une décision qui invaliderait les lois du Nouveau-Brunswick pourrait avoir des répercussions majeures sur d’autres barrières commerciales à travers le pays. Alors qu’il célèbre son 150e anniversaire, le Canada pourrait finalement en venir à la conclusion que le libre-échange commence chez soi.