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La course contre les changements climatiques

On a entendu les gouvernements faire beaucoup de promesses à Paris. Qui fera en sorte qu’elles seront respectées?

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Sans aucun doute, quand vient le temps de sauver la planète, les délais sont une considération essentielle. Dépasser les dates butoirs n’est pas une option pour les 195 États qui ont adhéré à la nouvelle structure de gouvernance pour l’action climatique – destinée à respecter la promesse de maintenir le réchauffement sous la barre des deux degrés Celsius d’ici l’an 2100.

Il est loin d’être certain que la rencontre de cet objectif nous sauvera du brasier. Mais tenant pour acquis que ce serait suffisant, la question pour l’instant est de savoir si les États parviendront à respecter ces engagements?

Une étude récente publiée dans la revue scientifique Nature conclut que pour atteindre les objectifs de l’accord, la communauté internationale devra laisser dans le sol 80 % des réserves de charbon, 50 % du gaz naturel et 33 % du pétrole pendant au moins 25 ans.

Au moment d’écrire ces lignes, pas un seul gouvernement n’avait promis de laisser des énergies fossiles reposer sous terre.

Entre-temps, il est bon de garder en tête que déjà plus de 800 lois portant sur les changements climatiques sont en vigueur autour du monde, selon le l’Institut Grantham de la London School of Economics. Le président de l’Institut, Lord Nicholas Stern, va même jusqu’à dire qu’un accord international sur le climat n’a pas besoin de lier les États pour être efficace.

Selon lui, les institutions juridiques prennent finalement les choses en main, tenant les décideurs responsables de leurs engagements internationaux dans le domaine du climat. Ce changement, estime Lord Stern, en fera davantage pour bâtir la confiance entre les pays que ce que pourraient accomplir des obligations juridiques internationales.  

Les pressions se feraient d’abord sentir aux plus hauts échelons de l’appareil corporatif. La plupart des pays, menés par le Royaume-Uni, requièrent déjà des compagnies publiques qu’elles fassent rapport sur leurs émissions de gaz à effet de serre. Même aux États-Unis, la commission américaine des valeurs mobilières peut exiger dans certaines circonstances la divulgation de risques liés aux changements climatiques.

Dans des pays comme le Canada, où il n’y a pas de divulgation obligatoire pour une compagnie cotée en bourse, la pression augmente pour que les compagnies divulguent leur impact en carbone. En tant que président du Conseil de stabilité financière, le gouverneur de la banque d’Angleterre Mark Carney a créé un groupe de travail dirigé par Michael Bloomberg pour rédiger des critères de divulgation volontaire sur des questions climatiques.

Il ne serait pas ridicule de penser que ces critères pourraient devenir obligatoires, à tout le moins pour les industries aux émissions élevées. De même, les entreprises pourraient bientôt ressentir les pressions de l’industrie financière. M. Carney a acquis le surnom de « Mark le mystique » au terme d’un discours prononcé l’an dernier, et dans lequel il a mis en garde une salle pleine d’assureurs de la Lloyd’s contre des réclamations pour ceux qui ne  « mitigent pas les risques liés au climat ». Ses commentaires ont tout de même trouvé une oreille attentive chez ceux qui ont l’habitude de se préparer au pire.

De manière encore plus directe : l’an dernier, le procureur général de New York, Eric Schneiderman, a annoncé une enquête contre ExxonMobil en vertu des règles sur les valeurs mobilières de l’État afin de déterminer si la compagnie a menti aux investisseurs quant aux risques posés par les changements climatiques à ses activités.

L’enquête pourrait paver la voie à une avalanche de recours liés aux changements climatiques.

Les gouvernements devront eux aussi assumer leurs responsabilités. En mars 2015, un groupe de travail d’experts du droit international a rendu publics les Principes d’Oslo sur les Obligations globales face au changement climatique, qui servent de feuille de route pour des réclamations contre des gouvernements qui n’en font pas assez pour lutter contre ces changements. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP) a aussi publié un rapport récemment qui pourrait aider à appuyer de telles réclamations dans certaines juridictions.

Enfin, comme si tout était chorégraphié, une cour hollandaise a donné raison à un groupe de citoyens en juin, ordonnant au gouvernement de réduire les émissions nationales par au moins 25 % d’ici 2020. Les plaignants ont fait valoir que le droit international interdit aux États de polluer de manière à porter préjudice à d’autres États.

Évidemment, nous sommes encore aux premiers pas de ces litiges. La responsabilité de certains pourrait s’avérer bien réelle, mais le temps demeure une considération essentielle et le rythme glaciaire des procédures judiciaires ne viendra pas toujours accélérer les progrès en matière de lutte aux changements climatiques.

S’il souhaite perdre son surplus de poids en matière d’émissions de carbone, le monde ne devra pas se fier uniquement aux tribunaux.