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Q&R: Mark A. Cohen et les compétences interpersonnelles pour l’avenir

À l’heure où les systèmes d’automatisation gagnent du terrain et grugent notre sentiment de sécurité, les compétences interpersonnelles seront en très forte demande sur le marché des talents, selon Mark A. Cohen, conseiller stratégique et chef de la direction de Legal Mosaic.

Photograph of Mark A.Cohen

ABC National s’est entretenue avec lui après son allocution à la Conférence nationale de l’ACCJE 2018 à Toronto, et lui a demandé comment les cabinets peuvent concentrer leurs efforts sur l’embauche des bonnes personnes.

ABC National: Vous avez dit que la stricte connaissance du droit ne sera plus suffisante à l’avenir, et que les compétences interpersonnelles reviennent au premier plan. Pourquoi?

Mark A. Cohen: C’est vrai. La plupart des gens craignent d’être remplacés par des machines ou relégués au second plan. Mais au fur et à mesure que les technologies se répandront, les professionnels compétents se distingueront entre autres par leur intelligence émotionnelle et leurs compétences interpersonnelles. J’ai toujours vu le droit comme un jeu de persuasion. Et ceux qui sont doués dans les relations humaines pourront désormais utiliser les technologies pour devenir encore plus convaincants. Ceux qui réussiront seront les leaders capables de tirer des données des machines, de comprendre l’information et de la transmettre efficacement pour qu’on agisse en conséquence.

N: Faut-il en déduire que tous les juristes de la relève devraient acquérir des compétences technologiques?

MC: Je dirais que le droit d’aujourd’hui exige la maîtrise de trois compétences : d’abord, comme il en a toujours été, il faut connaître son domaine – même si notre domaine est de plus en plus segmenté et morcelé en ce qui a trait à l’expertise. La spécialisation est plus poussée qu’avant. Ensuite, il faut savoir comment marche une entreprise; la gestion de projets, bien sûr, mais aussi la compréhension des affaires, de la façon de rendre la prestation de services plus efficace, économique et, ultimement, utile, en parvenant à clore les dossiers rapidement. Le dernier élément est la technologie. Les compétences interpersonnelles peuvent s’intégrer à ces trois champs d’expertise de manière avantageuse pour soi-même, l’employeur, le client ou les collègues.

N: Comment les cabinets et les entreprises juridiques peuvent-ils orienter leurs efforts pour faire l’acquisition de la bonne combinaison de talents?

MC: Soyons honnêtes. Pourquoi tant de jeunes veulent-ils travailler pour Google ou n’importe quelle autre entreprise technologique? Entre autres parce que ces entreprises sont à des années-lumière du domaine juridique, qui est vraiment rigide et hiérarchique. Dans ces organisations, un prodige de 21 ans peut connaître une ascension fulgurante. C’est la compétence qui prime. Le droit ne fonctionne pas comme ça. Il y a des gens qui ont une longue carrière derrière eux et qui diront : « Êtes-vous tombé sur la tête? Je suis la principale autorité et vous voulez commencer à me dire quoi faire? ». Et il y a toutes sortes de questions économiques conflictuelles, et bien d’autres encore. Mais idéalement, il faudrait que la structure soit plus plane.

N: Mais est-ce possible dans un cabinet?

MC: Ça ne l’est pas dans la structure traditionnelle d’un cabinet. Mais justement, la façon de faire actuelle de la plupart des cabinets ne survivra pas à l’épreuve du temps. Quand j’ai commencé, il y avait quatre avocats adjoints par associé. Aujourd’hui, il y en a 1,6. L’élément de levier a disparu, ce qui signifie que moins de personnes vont gravir les échelons. Ils ont une idée de leurs chances quant à la probabilité qu'ils deviendront ou non associé un jour. Et elles ne sont pas très bonnes. C'est pourquoi beaucoup de gens choisissent de ne pas aller en droit à la fac; ou bien ils se disent: « Eh bien, je vais passer deux ou trois ans au sein d’un grand cabinet pour rembourser mes prêts étudiant et ensuite je quitterai pour faire autre chose ». Entre les acheteurs qui accentuent de la pression et le bassin de talents qui se rétrécit, les cabinets seront confrontés à de graves problèmes avant longtemps.

N: Si l’on revient aux compétences interpersonnelles, que doivent chercher les cabinets?

MC: Si j’étais associé directeur, je chercherais des personnes dont les compétences précèdent leur décision de devenir avocat, compétences qui seront utiles à l’entreprise en ce qui a trait au service. Je veux donc un jeune qui, au premier cycle, a étudié en STIM, ou qui a une formation d’ingénieur ou des compétences vraiment avancées en mathématiques. C’est ce que j’essaierais de trouver, au lieu de n’embaucher que des candidats qui sont passés par une revue de droit. C’est un peu comme une équipe qui sélectionne toujours ses joueurs par position au lieu de se dire : « Non, mais attention, ce joueur-là peut tout faire. » C’est la philosophie que j’emploierais, et honnêtement, c’est ce que j’ai fait il y a longtemps, et ça a très bien fonctionné. Demandez-vous dans quel environnement vous voulez travailler, et ce qui attirera des candidats qui ont des forces différentes.

Cette entrevue a été révisée et condensée pour la publication.