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Publicité-vérité juridique… et éducative

L’interdit de promotion des services juridiques est levé au Canada, mais nombre d’avocats ne savent pas encore en profiter.

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En effet, plusieurs trouvent que l’autopromotion est de mauvais aloi, surtout à la vue de ce que nos homologues américains font parfois pour se faire valoir.

Mais si nous reconnaissions la valeur de la publicité comme source d’information? Et si la promotion des services juridiques ­consistait principalement à expliquer au client ses droits et les options qui s’offrent à lui? Et si elle était plus axée sur le client, justement, et moins sur nous?

Historiquement, l’interdiction de promouvoir les services juridiques reposait sur la crainte que cette activité ne ternisse l’image de la profession. On voulait également éviter qu’une guerre des prix n’éclate et que chacun sabre ses tarifs pour s’arracher la clientèle.

Or la réglementation s’est assouplie, et ces craintes se sont avérées infondées. Au ­contraire, les services juridiques sont ­probablement moins abordables que jamais. Notre façon de travailler n’a pas changé, mais notre façon d’aborder le développement des affaires, si.

La publicité est encore étroitement encadrée chez les juristes. La règle 4.2 du Code type de déontologie professionnelle leur interdit de créer des attentes indues quant à leur taux de succès ou à l’issue des dossiers, d’en appeler aux émotions, et même de prétendre que leurs services sont qualitativement supérieurs. Les avocats canadiens peuvent difficilement faire plus que d’annoncer leurs nom et domaine de pratique : c’est à se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle.

Certains dépensent une petite fortune en publicité pour que les clients s’adressent d’abord à eux et pour ensuite les rediriger vers d’autres cabinets afin de couvrir leurs frais grâce aux commissions. Ces procédés ont pris une telle ampleur dans certaines villes qu’ils deviennent une source de revenus considérable pour des cabinets de taille moyenne réputés.

Ce type de promotion est malavisé, parce qu’il consiste à faire l’annonce d’une ligne téléphonique ou d’un site Web plutôt qu’à informer la population des services offerts,
et aussi parce que les avantages pour le ­public comme pour le milieu juridique en
sont douteux.

Notre obligation de respecter « un niveau élevé de professionnalisme » dans notre publicité est probablement une des raisons pour lesquelles nous ne voyons pas ­d’avocats canadiens émuler nos voisins du sud. Or, aux ÉtatsUnis, une association d’avocats en responsabilité professionnelle, l’APRL, a produit l’été passé un rapport réclamant une déréglementation encore plus poussée.

Je ne suis pas tellement chaud à cette idée. Certaines parties du Code type, particulier au Canada, ont toujours leur raison d’être.

Il nous est interdit d’exploiter les personnes vulnérables, de dénigrer les autres, ou de laisser entendre qu’un juriste est combatif­ – beaucoup croient à tort que c’est une qualité, mais le barreau sait que l’incivilité nuit indûment au bon déroulement des procédures, et au système de justice tout entier.

C’est Bates v. State Bar of Arizona qui, en 1977, a changé la donne en promotion des services juridiques aux États-Unis. Deux ­avocats avaient ouvert un cabinet pour fournir des services abordables aux gens à revenus modestes non admissibles à l’aide juridique. La cour a jugé qu’afin que la population puisse s’en prévaloir, les avocats devaient pouvoir annoncer leurs services sous forme de publicité.

De nos jours, le coût des services juridiques est un obstacle de taille pour presque tout le monde. Les solutions parallèles (services ­juridiques dégroupés, parajuristes en Ontario…) sont peu connues, et nous, avocats, ­pourrions mieux communiquer ce que nous offrons.

Plus important encore que le coût : l’efficacité. Comparer les différentes options en dit plus long que vanter ses réussites. La publicité devrait se faire dans une optique pédagogique : expliquer comment le système fonctionne et pourquoi certaines approches ou stratégies sont plus efficaces que d’autres.

Les plaideurs en droit de la famille ne découvrent la médiation et le droit collaboratif qu’une fois la procédure engagée. Les clients payant des honoraires conditionnels en comprennent rarement les modalités avant qu’il soit temps de les régler. Beaucoup de personnes peuvent sans doute se contenter d’acheter un modèle de testament… mais la moindre particularité sortant de l’ordinaire dans une situation donnée justifiera une consultation juridique. Et que dire du système de justice pénale, intimidant pour tout le monde?

Les activités promotionnelles devraient briser les mythes, souvent perpétués par la culture populaire, qui entourent le système juridique. Cela implique de faire valoir dès le départ les mécanismes de règlement extrajudiciaire.

Établir la supériorité d’un type de services juridiques sur un autre est autant une question de processus que de résultat. Ainsi, renseigner le public sur le processus permet de mieux gérer les attentes, tout en s’attirant le type de mandats que l’on préfère.