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Une minorité dans une communauté minoritaire

Comment l'absence de reconnaissance du racisme systémique au Québec nuit aux avocats et aux étudiants noirs.

Making her point

Racisme individuel, racisme structurel, racisme systémique, autant de mots qui ont évolué au fil du temps pour décrire une situation qu'une minorité de la population vit jour après jour. Les Québécois noirs vivent la perspective unique d'être une minorité au sein d'une minorité. Lorsque les dirigeants et les lois du Québec nient l'existence ou perpétuent le racisme systémique anti-noir, les obstacles auxquels font face les étudiants en droit et les avocats noirs du Québec sont également ignorés. La communauté juridique du Québec doit travailler ensemble pour construire un environnement juridique plus diversifié, équitable et inclusif dans lequel tous peuvent pratiquer et dans lequel la prochaine génération d'avocats peut s'épanouir.

Il est important de reconnaître le racisme systémique, au Canada et au Québec, pour un certain nombre de raisons. Premièrement, la négation du racisme systémique est intellectuellement malhonnête. Le racisme systémique implique la notion de collectivité, contrairement à la xénophobie, qui est une relation entre individus. Nier la xénophobie est un choix personnel. En revanche, le racisme systémique n'est pas un préjugé personnel. L'existence du racisme systémique est un fait de société. Deuxièmement, il est maintenant possible de quantifier le racisme systémique au Québec afin de mieux comprendre sa structure et ses conséquences sur la population. Dans la province de Québec, les minorités racialisées constituent 11% de la population. À Montréal, ce chiffre passe à 30 %. Dans les échelons supérieurs du secteur public à Montréal, seulement 5,9 % sont issus des minorités raciales. Dans les échelons supérieurs du secteur privé, le pourcentage tombe à 2,6 %. Pour les mêmes qualifications, une personne portant un nom à consonance franco-québécoise a 60 % plus de chances d'être invitée à une entrevue d'emploi, contre 40 % pour une minorité. Les statistiques récentes des organisations juridiques québécoises montrent que seulement 9% des avocats sont issus de tous les groupes ethnoculturels du Québec. De ces 9 %, seulement 10 % sont associés dans des cabinets d'avocats. Les Noirs titulaires d'un diplôme d'études supérieures gagnent 28 000 $ de moins que les Caucasiens titulaires du même diplôme. Pourquoi ces chiffres sont-ils si disparates ?

La compréhension et l'établissement de politiques d'équité, de diversité et d'inclusion sont plus que jamais nécessaires pour contrer les effets du racisme systémique sur les étudiants en droit et les avocats noirs du Québec. Le système juridique est l'un des véhicules par lesquels le racisme systémique continue de se perpétuer, un moyen de favoriser un segment de la population par rapport à un autre. Aujourd'hui, on ne peut parler de la profession juridique sans utiliser les mots : « équité », « diversité » et « inclusion », et pourtant la profession juridique demeure l'une des professions les moins équitables, les moins diversifiées et les moins inclusives. Pour que le public québécois ait confiance dans son système de justice et son administration, il est plus important que jamais que la profession juridique reflète les réalités de la communauté québécoise. Les questions d'équité, de diversité et d'inclusion deviennent encore plus cruciales à notre époque, où les consommateurs de services juridiques cherchent des conseils sur des questions individuelles qui reflètent leurs intérêts, leurs priorités et sont donc intéressés à ce que leur conseiller juridique reflète leurs valeurs, d'où l'importance de bâtir une profession juridique composée de perspectives diverses.

Les facultés de droit et les cabinets d'avocats doivent comprendre que la diversité est une question de représentation, un mélange collectif de voix qui coexistent, et prendre des mesures concrètes pour favoriser la compréhension du racisme systémique, l'inclusion et l'équité. La première étape consiste à reconnaître l'existence du racisme systémique, puis à avoir des conversations franches. Nous devons nommer les problèmes afin de les résoudre. Au-delà des déjeuners, des bourses et des conférences, qui sont tous très importants, les facultés de droit, les cabinets d'avocats et les tribunaux doivent s'efforcer de recruter des talents divers. Deuxièmement, les facultés de droit et les cabinets d'avocats ne peuvent pas avoir une conversation sur la diversité sans intégrer l'inclusion. Il existe encore des espaces où la diversité est considérée comme une valeur nominale, mais où l'exclusion est pratiquée. L'inclusion a créé un espace où il y a à la fois le respect de l'appartenance et des opportunités équitables pour les étudiants et les avocats noirs de se montrer et d'avoir un impact dans leurs facultés de droit et leurs lieux de travail de manière significative. Les facultés de droit et les cabinets d'avocats ne peuvent pas atteindre l'égalité entre les étudiants et les praticiens sans passer par l'équité. Les minorités visibles en droit doivent être traitées équitablement, mais différemment de la majorité afin d'atteindre l'équilibre. Des systèmes qui serviront à perpétuer l'équité doivent être mis en place pour garantir l'inclusion des populations noires dans les facultés de droit et les cabinets d'avocats. Les entités juridiques doivent mettre en place des politiques d'adhésion à grande échelle par le biais de promesses d'équité, de diversité et d'inclusion : des engagements de diversité que les différents types d'employeurs juridiques signeront. La signature de ces engagements constituera une convention qui non seulement favorisera la diversité au sein de la communauté juridique québécoise, mais s'engagera également à former et à recruter des avocats diversifiés. Un effort d'écoute, d'éducation et d'intérêt pour l'histoire est nécessaire pour comprendre la réalité des Québécois racisés dans le domaine juridique.

La communauté québécoise, peut-être plus que toute autre communauté au Canada, est bien placée pour comprendre et défendre les problèmes auxquels sont confrontés les étudiants en droit et les professionnels du droit noirs. La communauté québécoise se bat pour son nationalisme au Canada depuis plus de cent ans. Les années 1960 ont été une période charnière dans l'histoire du Québec, mais aussi dans les relations raciales au Québec. Les intellectuels noirs ont été très influents dans les conversations sur le nationalisme québécois. De plus, de nombreuses personnalités québécoises ont été inspirées par ces intellectuels pendant la Révolution tranquille. Malheureusement, la communauté noire a été rapidement oubliée après la lutte. Reconnaître le racisme systémique au Québec et déployer des efforts concrets pour y remédier est un acte d'acceptation des minorités au sein d'une minorité. Nous pouvons reconnaître que le nationalisme québécois a souvent été dépeint à tort dans les provinces anglaises comme étant intrinsèquement raciste, tout en nous demandant si la communauté québécoise a peur de reconnaître sa complicité dans le racisme systémique par crainte de valider les préjugés des anglophones. Il serait hypocrite de dire que le peuple québécois en tant que communauté comprend sa lutte pour maintenir les traditions québécoises, y compris son droit civil, mais nie l'existence du racisme et de la discrimination systémiques vécus par les étudiants en droit noirs et les inégalités auxquelles sont confrontés les avocats noirs.

De manière générale, un indice de progrès social de 2016 a classé le Canada au deuxième rang mondial sur l'échelle de tolérance et d'inclusion et, selon les dernières statistiques, les Québécois ne sont ni plus ni moins xénophobes que le reste des Canadiens. Cependant, le désir de maintenir une image de tolérance ne devrait pas inciter le système et la communauté juridiques à occulter l'aliénation à laquelle sont confrontés les groupes minoritaires. En tant que fier Québécois noir, je sais que le Québec et le Canada se porteront mieux lorsque les voix marginalisées seront reconnues et écoutées.